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Extrait de la Thèse de Maîtrise de Sociologie Rurale

" Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne "

 

de Monsieur Claude PARIS

Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille la transformation culturelle, dans laquelle y est relatée ;

 

L'EDUCATION

*.*.*.*.*......     Une transformation des valeurs culturelles réside dans l'évolution de l'école et de l'éducation en milieu rural.

Comme le curé, l'instituteur n'est plus un personnage de premier plan dans la vie du village.

Depuis le début du siècle, Cunfin possédait deux écoles : la petite et la grande. Mixtes et situées dans la rue de l'Église, la petite se trouvait dans un bâtiment, autrefois occupé par un ancien orphelinat, qui maintenant abrite le préposé des P.T.T. et son bureau de poste, tandis que la grande était située au rez-de-chaussée du bâtiment de la mairie. La petite comprenait toutes les petites classes de la maternelle ou classe d'initiation jusqu'au cours élémentaire. C'est à partir du cours moyen que l'on devenait "grand" et que l'on traversait la rue pour aller à la grande école.

La scolarité était celle dispensée dans toutes les écoles de France, à l'exception près, de l'organisation mixte de plusieurs classes se déroulant d'une façon simultanée. Ainsi, pendant que les uns réfléchissaient sur un problème, les autres s'appliquaient à une page d'écriture, alors que les plus grands effectuaient une dictée sous la direction du "maître". Les "petits" apprenaient à connaître l'école, en silence, et en s'amusant avec les objets qu'on leur confiait pour ne pas déranger les voisins.

L'hiver n'était pas un problème malgré sa rigueur dans cette région. Chacun avait une tâche bien définie et participait à un service pour allumer le feu, ranger les tables, ou vérifier que les fenêtres étaient bien fermées. Le fait de réaliser toutes ces petites besognes conférait une importance certaine à celui qui les effectuait. Bien entendu, la cantine n'existait pas, puisque tous les enfants habitaient au village. Les quelques enfants résidant dans les fermes un peu plus éloignées, comme celle de Beaumont, étaient récupérés par un ouvrier de l'exploitation, ou bien trouvaient un refuge dans une des familles du village, après un accord passé entre les deux familles.

La fin de la scolarité était sanctionnée par le Certificat d'Études Primaires, qui représentait en soi une chose très importante. L'instituteur, dont c'était l'évènement le plus important sur le plan professionnel, passait de longues heures à préparer ses élèves et il avait largement le droit d'être fier des résultats, en général brillants, obtenus par ses élèves. Puis l'effervescence du mois de mai s'estompait pour faire place à celle du mois de juin avec la préparation de la distribution des prix.

L'école prenait alors un autre visage et cette journée tant attendue signifiait un moment de liesse pour toute la population qui se donnait rendez-vous. Chacun venait, avec une pointe d'orgueil, pour voir sa progéniture participer qui à une scénette, qui à un chant mimé et recevoir ensuite la récompense d'une année d'efforts. Les "parisiens" étaient déjà arrivés quelques jours plus tôt et assistaient avec un air d'envie à cette fête qui sentait bon l'ambiance familiale et qui avait beaucoup plus de signification  que celle qu'ils connaissaient dans les villes. Cependant, cette envie se transformait rapidement en amusement devant la tête des camarades qui devaient, pour les meilleurs, aller chercher leurs prix et embrasser les "vieux messieurs" qui représentaient le Conseil Général ou plus simplement Municipal. Ensuite, c'était le signal des vacances et la porte était ouverte pour les grands jeux ou les randonnées dans les bois environnants.

Mais hélas ! cette école a vécu ! Les élèves ont été moins nombreux, puis les classes se sont fermées une à une et la réorganisation des classes et des établissements scolaires, à l'échelon cantonal, vers les années soixante dix, a modifié les anciennes structures.

Ainsi, en 1985, une école maternelle située dans les locaux de l'ancienne "grande école" sert pour tous les enfants du canton. Un système de ramassage, par cars, draine les localités voisines. De même, les enfants de Cunfin rejoignent leurs classes dans les autres villages. Ils partent le matin pour ne rentrer, pour certains, qu'à la nuit tombée.

Cette mobilité avait déjà été amorcée, quelques années auparavant, avec les étudiants qui rejoignaient, en qualité de pensionnaires, les établissements secondaires à Troyes ou universitaires à Reims.

Ainsi, petit à petit, le village se vidait inexorablement.

Par ailleurs, une des conséquences directes de cette évolution, a été de ne plus intégrer l'instituteur comme un "notable" du village et son statut a subi une transformation radicale. En quarante ans, de 1945 à 1985, les durées d'affectation de ce fonctionnaire ont diminué. Aux dix ans de l'après guerre, ne correspondait plus qu'un séjour de deux ou trois ans. Certains ont préféré abandonner le rôle de médiateur que leur conférait l'emploi de secrétaire de Mairie, pour se donner plus à fond dans celui de pédagogue plus averti et plus disponible pour les enfants. Il n'en reste pas moins qu'il n'était plus qu'un conseiller pour certains cas difficiles, rédigeant une lettre ou étant à l'écoute des problèmes communaux.

Bachelier, dont la connaissance n'était jamais mise en doute, l'instituteur incarnait, avant tout, le savoir et la culture, ce qui était hautement respecté dans une communauté. Par ailleurs, en qualité de représentant de l'Éducation Nationale, il était celui dont le salaire était l'un des meilleurs. En cessant sa fonction de secrétaire de Mairie, il a cessé d'avoir des pouvoirs réels au sein de la municipalité.

Maintenant, au village, la secrétaire de Mairie est une employée qui vient passer quelques heures de permanence et l'institutrice, une jeune femme, mère de famille qui a épousé un garçon de Cunfin. Elle adore les enfants et assume avec bienveillance et efficacité le service de la maternelle du canton.

La suppression de l'école a une conséquence directe sur la notion d'appartenance à un groupe, en l'occurrence dans le cas présent, le village.

Toutes relations dans un ensemble, sont faites de réactions affectives, craintes, estime, admiration... et tout changement entraîne un processus de perturbation affective. Ainsi, l'enfant, qui dans le type de scolarité initial, se trouvait dans un ensemble composé d'enfants de son propre village (plus ou moins âgés) se satisfaisait des relations qu'il avait avec cette communauté au sein de laquelle il s'exprimait (c'est le besoin d'émettre, lié à celui d'appartenance) et qui lui donnait des informations (c'est le troisième besoin lié aux précédents : celui de recevoir). De ce fait, par la combinaison de ces besoins, l'enfant s'identifiait à son village.

Par le nouveau système, il est obligé de réagir face à des évènements nouveaux et va transférer en permanence ses réactions affectives vers des notions nouvelles du groupe. Il y a une perte de l'entité qu'était le village, mais avec une ouverture pouvant se traduire par des apports culturels ou une fuite vers l'extérieur.

Il faut dire que pour l'enfant qui n'avait que deux objectifs, la famille et l'école, il y a maintenant une extension vers d'autres gens, vers d'autres localités qui ne peut pas être néfaste car il y a ouverture sur le monde qui était autrefois limité à la commune.     ......*.*.*.*.*

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