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Les Fermes

Extrait de la Notice historique sur le bourg de Cunfin de l'Abbé Maurice Tynturié (ouvrage terminé en 1854 et publié à Langres en 1855)

Cunfin possède cinq fermes éparses sur le finage :

La Ferme de Bréviande : Cette ferme très ancienne a été longtemps habitée par de petits seigneurs qui y avaient un castel avec fossés et pont-levis. Il était bâti au milieu de la prairie voisine appelée Valdry, à quelques centaines de mètres plus bas que la métairie. Il était flanqué de deux tours dont on a retrouvé les vestiges. Il y a toute apparence qu'il a été détruit du temps des guerres à jamais déplorables de la Ligue. De tous les seigneurs qui possédèrent le fief de Bréviande, nous ne connaissons que Charles de Nogent, frère de Jacques, qui le premier de cette famille habita Cunfin vers 1615, après les de Ravinel. Le domaine de cette ferme, selon la chronique populaire, fut en partie vendu par le propriétaire, pour faire le procès à Anthoinette Buisson, brûlée vive sous prétexte de sorcellerie, comme nous l'avons rapporté plus haut. Un acte de 1595 nous apprend que le prieur Bernard Louot vendit une terre appelée le Bouverot située sur le finage de Bréviande, pour payer la taxe à laquelle il était imposé pour les besoins de l'État, c'est-à-dire pour acquitter les dettes, satisfaire aux impôts royaux, aux cotisations ecclésiastiques, à de nombreuses et importantes réparations.

La Ferme du Val-de-la-Fontaine : Cette ferme, non moins ancienne que la précédente, appartenait autrefois à la commanderie d'Epailly. Le grand-prieur de Champagne en était propriétaire en toute justice, haute, moyenne et basse, qu'il faisait exercer par ses officiers de Beauvoir (1). Il avait le droit de prendre dans les communaux de Cunfin des bois pour bâtir ou réparer les bâtiments de sa ferme, ainsi que pour le chauffage de ses fermiers. Il avait en outre celui de faire pâturer leur bétail dans toute l'étendue du finage de Cunfin. Les terres de cette métairie n'étaient pas non plus assujetties à la dîme. Toutefois, il en était autrement avant le XVII° siècle; car nous lisons que cette ferme payait, en 1234, à l'abbaye de Clairvaux, un droit de deux septiers de grain, moitié froment, moitié avoine, et une émine (2) d'orge à la mesure de Laferté, et que le fermier fut même condamné, en 1612, par le juge de Cunfin, à payer le droit de cornage et la dîme à la vingtième gerbe. Un titre de1572 nous apprend qu'un certain Jean de Villiers ayant été investi du domaine du Val-de-la-Fontaine par Michel de Seure, chevalier de l'ordre de S. Jean-de-Jérusalem, grand prieur de Champagne, se présenta devant la grande porte du circuit de la métairie, et qu'après avoir montré à frère Nicolas Challemandrier, religieux conventuel d'Epailly, les lettres concernant son investiture, le requit de le mettre en possession du Vault-de-la-Fontaine. A quoi déférant, ledit Challemandrier fit entrer ledit Jean de Villiers, le mena dans la chapelle où il toucha et baisa l'autel, le missel y étant, et sonna la cloche de la chapelle en signe de saisine et d'entrée en possession, et du tout firent dresser acte, Cette chapelle était dédiée à S. Jean l'évangéliste. Le curé de Cunfin y allait dire la messe une fois par semaine ; il jouissait, pour ce service, d'une pièce de pré de 42 ares à son choix dans la prairie de la ferme. Il en était à peu près de même pour la desserte de la chapelle de Beaumont. Les revenus de la ferme du Val-de-la-Fontaine montaient annuellement à 800 livres.

La Ferme de Beaumont : Cette ferme était appelée autrefois Beaumont-l'Abbaye. Le premier titre où nous ayons vu Beaumont cité est de 1164; c'est une transaction par laquelle un prieur de Laferté-sur-Aube, nommé Matthieu, cède aux moines de Clairvaux un cens annuel de 3 sous sur les bois de Cruchemont. Cette ferme est construite dans une vallée spacieuse et agréable ; elle est entourée de forêts giboyeuses et très bien située pour la chasse. Ses bâtiments sont partie sur Cunfin et partie sur Riel-les-Aulx. Les limites des deux finages traversent la cour. Cette propriété, qui est considérable et dont les revenus étaient de 1,500 livres, appartenait à l'abbaye de Clairvaux. Elle a été vendue par la nation au commencement de la révolution ; elle a passé successivement entre les mains de plusieurs acquéreurs. Elle a appartenu pendant environ quarante ans, à M. Viesse-de-Marmont, maréchal de France, duc de Raguse, qui y faisait assez souvent acte de présence aux temps de la Restauration. Cette ferme possédait une chapelle placée sous l'invocation de saint Georges. Le curé de Cunfin y célébrait la messe une fois par semaine.

Nous n'avons rien à apprendre à nos lecteurs sur les deux autres fermes que possède le pays, parce qu'elles sont de construction récente. L'une se nomme la Fourtelle, et l'autre la Savesoue. Elles sont bien de trop sur un finage aussi restreint que celui de Cunfin, puisqu'il ne se compose, comme nous l'avons dit précédemment, que de 941 hectares de terres labourables. Leur établissement est dû a l'aliénation que la plupart de nos compatriotes ont faite de leurs terres à des spéculateurs, à cause de leur médiocrité ou stérilité. Ils s'étaient, du reste, persuadé que, avec leur commerce de tonneaux et de sabots, qui leur semblait devoir être éternellement florissant, ils pouvaient se passer à jamais de ces terres. Nous croyons qu'ils ont été mal inspirés. D'abord, ces terres servaient de pâturages communaux ; les aliéner, c'était vendre ces pâturages et par conséquent anéantir le bétail qui en vivait; car comment chaque habitant nourrirait-il une vache ou un mouton, s'il n'a pas un endroit où les envoyer pâturer? En outre, il serait toujours bon que chaque habitant possédât quelque coin de terre ; on aurait un peu de bétail pour engrais. La terre, avec le secours de l'homme, ne demande qu'à produire; le cultivateur intelligent et laborieux sait forcer à la production les terres les plus ingrates. A force d'engrais artificiel et de fumier ordinaire, on parvient à vaincre l'ingratitude du sol. Aujourd'hui, toutes ces terres sont fort bien exploitées d'après les nouveaux procédés d'agriculture, et les propriétaires actuels récoltent autant que peut permettre la qualité de ces terres.

Il y avait encore, sur le territoire de Cunfin, deux autres fermes qui maintenant n'existent plus : l'une, qu'on appelait la Ferme-de-Bay, située sur le chemin qui conduit à Villars ; on en aperçoit les ruines vers le milieu du bois à gauche et tout près de la nouvelle route qui passe sur l'emplacement même de la cour. Au bas de ces ruines, dans un vallon recouvert par le bois, on voit le puits de la ferme ; il porte encore aujourd'hui le nom de Puits-de-Bay. II est fait mention de cette métairie, détruite depuis plus de deux siècles, dans une transaction de 1572, relative au partage des bois entre les seigneurs et les habitants de Cunfin. Il y est dit que Lacourroie, qui échut en lot à l'abbaye de Clairvaux, tient du midi aux terres labourables de la Ferme-de-Bay; ce qui prouve que les bois appelés les Accrues ou Bouchots, qui sont contigus à Lacourroie et couvrent maintenant l'emplacement de la ferme et toutes ses dépendances, n'étaient à cette époque que des terres arables. On pouvait donc aller de Cunfin à Villars, sans passer par les bois.

L'autre ferme, appelée la Grange ou Maison-aux-Convers, était située au bas de la colline, où est assise la chapelle Sainte-Anne. Elle avait été bâtie en 1299 et appartenait à l'abbaye de Clairvaux. Des frères convers y avaient été établis dans le principe pour l'exploiter, c'est-à-dire pour cultiver les biens que le couvent possédait sur le finage de Cunfin, de là son surnom de Convers. Cette métairie n'était point assujettie à la dîme. Un curé de Cunfin, nommé Nicolas Cornuot, qui prétendait le contraire, fut condamné en 1667 par la justice du lieu à restituer des gerbes qu'il avait fait enlever sur les terres de la Maison-aux-Convers. Non loin de cette ferme, on retrouve encore quelques débris d'un moulin qu'elle possédait sur le ruisseau et qui a disparu depuis deux siècles. Il était exclusivement à l'usage de la Maison-aux-Convers et de Beaumont. Il était de rigueur que les sujets de l'un des deux seigneurs du lieu ne devaient pas moudre dans le moulin de l'autre ; c'eût été une manifestation de vassalité. En 1588, le prieur Nicolas Chevenon, ayant voulu maintenir son moulin banal au préjudice de celui de Clairvaux, fut condamné par sentence du bailli de Chaumont.     ......*.*.*.*.*

(1) - Le grand-prieur ayant voulu établir et ériger une nouvelle justice au Val-de-la-Fontaine, fut condamné à la requête des seigneurs de Cunfin, par un arrêt rendu aux Grands-Jours tenus a Troyes, en 1535.

(2) - L'émine faisait quatre quintaux, c'est-à-dire environ treize doubles décalitres.

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