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Extrait de la Thèse de Maîtrise de Sociologie Rurale

" Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne "

 

de Monsieur Claude PARIS

Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille une approche historique de Cunfin, dans laquelle y sont relatées ;

 

LES DÉCOUVERTES

*.*.*.*.*......     L'histoire d'un village peut s'inscrire à travers les découvertes que l'on fait en fouillant le terrain sur lequel il est situé. Ainsi, à une faible distance de Cunfin, dans un terrain contigu au chemin d'Autricourt, ancienne voie romaine reliant Châtillon à Bar-sur-Aube, appelée encore de nos jours Voie de Bar, de tous temps, ont été découverts, à des intervalles plus ou moins longs, quantité d'ossements humains et de tombeaux ouverts "qui étaient tous creusés en auge, taillés et polis intérieurement. Ils ne conservaient des corps qu'on leur avait confiés qu'un peu de poussière brunâtre. Tout avait disparu jusqu'aux parties osseuses" (1). Dans plusieurs de ces tombeaux il a été aperçu des anneaux, des médailles et autres objets de divers métaux, dont rien n'a été conservé. Dans certains, on a retrouvé des épées que la rouille n'avait pas encore entièrement rongées et dont la forme paraissait très ancienne. Tout ceci prouve que ceux qui ont été déposés dans ces tombeaux ont vécu bien longtemps avant l'invasion des Gaules par les Francs. Ces sépultures appartenaient donc à l'époque gallo-romaine car les Romains et les Gallo-romains enterraient leurs morts sur les grands chemins ou dans les champs avoisinants. Ces champs de sépultures sont des indices retrouvés toujours sur des voies romaines.

Les premiers Chrétiens se conformèrent à cet usage. Des découvertes ont fait considérer, depuis des siècles, comme un cimetière, le terrain où elles ont eu lieu.

Dans un champ, qui longe à gauche du chemin dit de "Bienvaux" et dans une excavation qui y fut pratiquée en 1789, pour en extraire de la terre à bâtir, on trouva une multitude d'ossements humains et de nombreux ustensiles de ménage. Dans les lieux circonvoisins, des fouilles particulières ont mis à découvert, des squelettes avec leurs armures.

Au bas des vignes d'une contrée que l'on nomme "Rougeux", on a retrouvé vers 1840, onze cadavres de grande taille réduits en poussière. Ils étaient rangés en file à côté les uns des autres, les os du crâne et de la face auxquels se rattachaient des mâchoires aux dents intactes et blanches, permettaient de penser qu'il s'agissait d'hommes encore jeunes. Quelques pas plus loin, un autre squelette a ainsi été retrouvé dans le même état. L'explication donnée à l'époque de la découverte, était de rattacher cet enfouissement à une catastrophe, à des brigandages ou a un combat de deux armées ! Mais le chroniqueur concluait que du fait de l'éloignement et de l'inégalité du territoire de Cunfin, recouvert en grande partie de bois, il n'y avait pas de possibilité de livrer une grande bataille.

Enfin, dans un autre site, du nom de "Confrérie", on a pu retrouver la trace d'un ancien chemin qui, traversant diagonalement les vignes, conduisait en ligne directe de Cunfin à la confrérie. Là on a retrouvé des débris de bâtiments et d'ustensiles de cuisine, un fragment de piédestal ou de quelque vase antique et d'autres objets de toutes sortes. Dans un espèce de caveau rempli de terre noire étrangère au sol de la région, on a reconnu des ossements humains, des mâchoires garnies de dents bien conservées. D'autre part, cette découverte était complétée par un nombre important de clous de grande dimension rongés par la rouille et une pièce de monnaie de cuivre, portant d'un côté l'effigie d'un souverain et sur le revers un soldat appuyé sur une lance. Le millésime et la légende de cette pièce étaient illisibles. Une fois encore, on peut conclure à la présence d'une habitation, dans cette région, de l'époque gallo-romaine.

Toutes ces découvertes, nous donnent déjà une base à l'histoire de ce village de Cunfin et nous incite à poursuivre plus avant cette approche historique.

Parmi les villages du rang de celui de Cunfin, il n'en est guère dont l'existence soit tracée par une suite d'évènements dignes d'être transmis à la postérité. Les faits qui s'y sont passés n'étaient pas assez importants pour que les historiens en parlent car les plus conséquents se passent d'ordinaire au centre des provinces. Il n'apparaît donc pas que Cunfin ait été le théâtre d'un évènement historique particulier. D'ailleurs, on ne trouve que très peu d'éléments s'y rapportant dans les archives où s'élabore sèchement l'histoire positive. Pourtant, l'histoire de ce village est liée intimement à celle de Clairvaux et du prieuré. Il ne faut pas oublier que nos ancêtres attachaient un grand intérêt à l'existence des couvents car la vie religieuse était intense et primordiale pour le village et dire la vie des uns, c'est raconter celle des autres !

L'étude sociologique et économique de Cunfin n'a de sens que si on parvient à placer une chronologie historique des évènements marquant de près ou de loin la vie de cette localité. C'est ce que j'ai essayé de réaliser.

Ainsi, dans cette approche, à travers plusieurs documents anciens compulsés, j'ai tenté de rebâtir un passé historique. Néanmoins, tous les textes ne sont pas d'égale valeur et ne permettent pas toujours de confirmer ou d'infirmer les faits.

La "Notice historique sur le bourg de Cunfin", éditée en 1855 et écrite par un ecclésiastique, l'Abbé Tynturié, m'a apporté de solides connaissances, celles-ci ont été complétées, d'abord par un ouvrage local : "Histoire locale de la ville et de l'ancien comté de Bar-sur-Seine", de Lucien Coutant, puis grâce à deux ouvrages d'un caractère plus général "Histoire de la France et des Français au jour le jour", d'André Castelot et d'Alain Decaux (édition 1979-8 volumes) et "Histoire de la France rurale" sous la direction de Georges Duby (édition Seuil-4 volumes).

 

Essayons, maintenant, de retrouver l'atmosphère et l'ambiance de cette commune jusqu'à la Révolution de 1789.

 

Dix siècles avant J.C. les Gaulois, venus d'Europe Centrale, s'établissent dans nos régions. Ils parlent tous la même langue, adorent les mêmes dieux, mais vivent en peuplades indépendantes, en tribus, dans des villages, sous l'autorité de chefs militaires et de chefs religieux nommés Druides (2).

De toute cette époque, de tous ces peuples belliqueux, il ne nous reste que des traces, que de faibles souvenirs perpétués le plus souvent par des "tombelles" ou tumulus, ou par des "dolmens" (pierres aux druides), dont certains ont été signalés, au cours du XIXème siècle, par le chroniqueur du comté de Bar-sur-Seine, comme ayant existé, dans les bois de Cunfin.

Nous n'avons pas ou peu de renseignements sur les tribus de l'âge de pierre. Seulement quelques noms de lieux, dans l'Aube, la Haute-Marne et la Marne attestent, dans notre pays, de la domination très ancienne des LIGURES qui céda au IVème siècle avant J.C. à l'invasion des CELTES.

Les deux peuples qui s'établirent dans notre région étaient les LINGONS (3) et les SENONS (4) (ou Sénonais). Ils donnèrent leur nom au pays de Langres et de Sens. La vallée de l'Armençon, qui appartenait au premier de ces peuples, était pour eux une limite commune.

Au Nord du pays des Lingons, on trouve les TRICASSES, petite peuplade qui dépend de la puissante tribu que forme les Lingons. La cité des Tricasses deviendra plus tard TROYES (Augustobona).

Bar-sur-Seine faisait partie de la province des Lingons et se trouvait ville frontière du pays des MANDUBIENS, confédérés des Lingons, avec la Seine pour limite. Ces provinces étaient elles-mêmes divisées en cantons dont les noms celtes ne nous sont pas parvenus et qui, plus tard, prendront le nom de PAGUS (Pagi) (5).

En 390 avant J.C. les Celtes iront jusqu'en Italie et l'armée des Lingons et des Sénons brûlera la ville de Rome.

La Gaule est divisée en trois grandes régions : l'Aquitaine, la Celtique (dont font partie les Sénons, les Tricasses, les Catalauniens et les Lingons) et la Belgique (dont font partie les Rèmes). La Champagne était ainsi à moitié Celte et à moitié Belge.

En 52 avant J.C., lors de la conquête romaine, certaines peuplades gauloises, comme la puissante tribu des Lingons et leurs alliés, les Rèmes (Reims), se soumettent et apportent une aide efficace aux troupes de Jules César, créant un point d'appui dont le proconsul avait besoin en tant que base de surveillance en pays Belge et base de départ pour les attaques ou de repos pour les légions. Les Sénons et les Tricasses luttent contre les romains et se révoltent. La plupart rejoindront les forces de Vercingétorix et trouveront une fin tragique à Alésia.

Les Lingons, seul peuple resté fidèle, devront souffrir des représailles exercées sur eux par les autres. La Gaule connaît alors une nouvelle division administrative. Elle est divisée en provinces romaines et les territoires qui nous intéressent sont répartis entre la première Belgique et la première Lyonnaise. Augustobona (Troyes) devient l'une des 60 cités de la Gaule Romaine.

Mais le nom de CUNFIN (6) nous est toujours inconnu et on ignore absolument son origine, comme celle de la plupart des villages. On peut présumer que Cunfin, qui ne porte pas de nom celtique, tire le sien de sa position géographique sur les limites de la Champagne et de la Bourgogne. Son nom en latin signifie frontière, limite. Précédemment cités, les débris d'antiquité découverts sur son domaine prouvent d'une manière incontestable que ce lieu est fort ancien et laisse supposer qu'il était habité du temps des romains. Cunfin ne pouvait être alors qu'une manse (ou ferme). La fertilité des sols, la position de la vallée, la proximité de l'eau, les bois, auront, sans aucun doute, attiré là des collons qui bientôt auront formé un village. En effet, dans ces temps reculés, les fermes ou manses (mansiones) sont devenues, en règle générale, des centres de culture et de défrichement. La proximité des différents centres actifs ne peut que confirmer cette hypothèse.

La Gaule Celtique n'est pas un monde fermé. De nombreux courants commerciaux la traversent, créant un activité économique qui favorisera la transformation du pays, d'une économie de subsistance à une économie d'échanges. Le Gaulois de cette région devient un paysan qui produit, fabrique et vend. Il ne survit plus. Il améliore sa qualité de vie grâce à la politique de Rome.

Comme le terrain de cette commune regroupe les conditions favorables, aussi bien pour la culture du blé que celle du lin et de la vigne, on peut penser que celui-ci a vu la naissance et l'installation de petits domaines en opposition avec les grands domaines qui, eux, s'installaient surtout en zones forestières ou sur les plateaux calcaires.

Ainsi, Cunfin, avec ses productions variées, s'est caractérisé, dès le départ, par une économie mixte diversifiée. On assiste alors à la création d'un réseau de voies qui sillonnent le pays (Voie de Bar), à l'installation de camps et à l'implantation de "villae" pour faciliter le ravitaillement des légions. On trouve également encore des cases de pierres séchées, des demeures semi troglodytiques, des souterrains refuges comme ceux qui, durant neuf ans, abritèrent le résistant lingon Sabinius et sa femme (69 après J.C.).

La religion pénètre dans cette zone rurale en 220 et Saint Savinien convertit les Sénons pendant que Saint Polentin en fait autant avec les Tricasses (7). Mais la campagne reste toujours attachée à son culte traditionnel.

C'est à cette époque de commence, aussi, l'implantation de la vigne. Jusqu'alors cantonnée depuis le Ier siècle sur les bords de la méditerranée, elle amorce une lente remontée par le sillon rhodanien. Cette vigne mettra plus d'un siècle à traverser tout le territoire. Implantée au IIIème siècle chez les Eduens et les Lingons, elle arrivera chez les Rèmes vers la fin du IVème siècle.

C'est alors une longue période de deux siècles de calme qui se verra troublée par les envahisseurs venus de l'Est. Il ne faut pas oublier que la Champagne est une voie naturelle pour ces invasions...

Les hordes germaniques pénètrent dans le pays des Lingons et ravagent toute la région comprise entre Langres et Troyes. Cunfin se trouve en plein milieu de cette zone... Battues par les armées romaines, ces hordes se replieront à travers le pays et seront tenues de relever les cités et les bourgades qu'elles avaient ruinées et surtout de repeupler le pays dévasté.

La puissance romaine perd, alors, de son influence en Gaule et plus particulièrement chez les Lingons.

Outre le côté violent de ces invasions, il convient de remarquer qu'elles ont eu des conséquences directes dans cette région.

Au Vème siècle, la Gaule qui est avant tout un pays rural, possède des domaines agricoles couvrant d'immenses étendues. Quand les barbares apparaissent, les propriétaires préfèrent abandonner une partie de leurs terres plutôt que de perdre la totalité sous la contrainte. En principe, ils accordaient un tiers des domaines ; en fait ce fut le plus souvent les deux tiers des domaines qu'ils laissèrent. Ces peuplades venues de l'Est, satisfaites de trouver des campagnes plus riches que les leurs, cultivaient avec ardeur les parcelles qui leur étaient ainsi concédées.

Ce brassage des peuples, a contribué, au cours de ce siècle, à diversifier les régions de la Gaule en y introduisant des éléments nouveaux qui se sont peu à peu fondus avec le vieux fond celte.

En 451, les Huns et leurs terribles bandes arrivent à leur tour. Ils franchissent le Rhin à Bâle et se ruent sur Metz, assiégeant Reims, Châlons,  puis vont buter contre Paris qu'ils négligent pour aller sur Orléans. Devant une coalition des Gallo-romains, des Francs, des Wisigoths et des Burgondes, Attila recule par Sens et s'arrête le long de la vallée de la Seine, d'où il écumera toute la région avoisinante. C'est de cette époque que la chronique populaire nous a fait parvenir le récit du martyre de Sainte Germaine et d'une autre vierge chrétienne du nom d'Honorée, par les Huns en 451.

Saint Germaine venait rendre visite à sa soeur à la chapelle Sainte-Anne. A ce sujet, on raconte que : "Lors de la construction de la chapelle Sainte-Anne, Sainte Germaine fournissait aux maçons l'eau nécessaire pour faire leur métier, qu'elle allait puiser à la fontaine voisine, dans deux petites cruches. Les maçons lui faisant observer que les vases dont elle se servait, n'étaient pas assez grands, lui dirent par ironie... apportez-nous la plutôt dans un crible (8)... Germaine alla se procurer cet instrument, le remplit d'eau, le plaça sur sa tête et le porta aux maçons sans rien perdre de son contenu. Ceux-ci, frappés au dernier point, de la merveille dont ils étaient témoins, tombèrent à ses genoux et la révérèrent comme une Sainte... " Cette légende n'est, en fait, que la répétition de l'histoire de la vestale qui, à Rome, prouva son innocence en portant de l'eau dans un crible.

Mais revenons à nos Huns ; c'est alors l'épisode de la bataille des Champs Catalauniques (dont le lieu est encore incertain) qui s'est déroulée en plusieurs endroits : sur le plateau dominant la vallée de la Seine aux environs de Méry et au-delà de la rive droite de la Seine jusqu'à l'Aube. Attila vaincu reprend sa route vers le Rhin et saccage plus particulièrement la région, Bar-sur-Aube entre autres, et remonte sur Troyes qui ne subira, cependant, aucun dégât.

Sur les ruines de l'Empire romain s'organisent des royaumes barbares : Langres va aux Burgondes, Soissons, Reims et Châlons, au royaume de Syagrius (9).

Par contre, on ne sait pas exactement à qui revient Troyes et sa région. Aucun document ne donne la moindre indication sur ce qu'a pu subir ce village et quel en fut le rattachement administratif. D'ailleurs, la période des Mérovingiens n'est qu'une longue suite de partages de terres. A la mort de Clovis (511) ses fils se divisent le royaume et la Champagne doit en souffrir plus que toutes les autres contrées. Toute l'administration gallo-romaine a disparu. La Champagne fait partie de l'Austrasie et c'est Charlemagne qui érige le pays des Tricasses en comté.

En 843, cette province est attribuée à l'un des descendants de Charlemagne, son petit-fils, Charles le Chauve et devient une zone frontière. Un capitulaire de Charles le Chauve (853) nous donne une première indication sur notre localité. il ne mentionne plus un pagus mais parle d'une doyenné et ce document assigne au canton laçois tout le pays compris entre Brienne-le-Château, Duesme et Langres (13 lieues de long et 8 lieues de large). Les limites vont depuis la source de l'Ource jusqu'en dessous de Bar-sur-Seine et de la source de la Laigne à la source de l'Ource. Ce doyenné de Bar-sur-Seine, connu de l'histoire par ce document, comprenait 48 paroisses parmi lesquelles on retrouve le nom de Cunfin : n° 34 - CUFFINUM, CUFFINUS... Ces 48 paroisses, auxquelles il faut rajouter quelques noms oubliés, resteront dans l'archidiaconé laçois jusqu'à la formation du Comté.

La période qui s'ouvre alors laisse une large part aux différentes invasions normandes et à la féodalité qui contribueront à maintenir le pays dans un état de misère, de ruines et de dévastations.

Le comte de Troyes devenu le puissant comte de Champagne n'est pas très efficace face aux invasions qui, débutées en 840, arrivent dans notre province en 888. Les premiers documents propres au village datent, d'ailleurs de cette époque. Les Normands qui envahissent pour la deuxième fois la Champagne, ravagent le diocèse de Langres et de Bassigny (10). "Ils se jetaient sur tout le pays où il y avait du butin à faire et marquaient chacune de leurs journées par une foule de déprédations et de massacres". Ces diverses invasions occupèrent cette province pendant plus d'un siècle (11). Après la ruine de Bar-sur-Seine, ces barbares saccagèrent Cunfin. Selon quelques écrits, ses habitants avaient pu trouver refuge dans les bois environnants en emportant ce qu'ils avaient de plus précieux. Les annales de l'Abbaye de Saint Urbain, près de Joinville, rapportent que ce fut à Cunfin que Saint-Aldaric, jeune enfant chrétien, fut martyrisé par les normands (12).

Ces invasions ont pour conséquence directe l'installation de la féodalité. Les seigneurs se sont plus ou moins rendus indépendants du Roi. Les comtes et ducs sont maîtres absolus de vastes régions et avec leurs vassaux protègent, grâce à des places fortifiées, les populations ; celles-ci en contrepartie sont réduites au servage. Pendant que les seigneurs se complaisent à la chasse, à la guerre, aux tournois, le peuple est misérable.

Le château le plus proche semble être celui de Laferté-sur-Aube, mais rien ne témoigne du fait que les cunfinois aient pu faire le déplacement pour obtenir une protection. On note, par ailleurs, la présence de maisons fortes ; les quelques seigneurs qui vécurent à Cunfin, à différentes époques, avaient le souci de réaliser ce genre de grande bâtisse pour protéger les habitants. Mais ceux-ci, mus par un désir de préserver une certaine forme d'indépendance, préférèrent la protection des forêts.

Néanmoins, les habitants sont sous la dépendance d'un châtelain. Alors que les vassaux ne doivent que des services définis, ces gens de communs, en échange de la protection accordée (efficace ou illusoire) sous soumis à la puissance illimitée du maître. Ils ont pour fonction de pourvoir aux besoins, essentiellement économiques, de la seigneurie.  Services et redevances sont désignés sous le terme de "coutumes" et comme parfois le châtelain n'hésite pas à en imposer de nouveaux, on parle alors de "mauvaises coutumes".

Plusieurs comtes de la Maison de France et du Vermandois se succèderont à la tête du comté de Champagne et ils contribueront à en faire une puissante province (13).

Parallèlement à cette montée de la féodalité, le clergé remplit un rôle de plus en plus important et affirme sa puissance sur les Princes et les Rois. Acquise sous les mérovingiens, confirmée par les carolingiens, celle-ci s'organisera sous les capétiens. Le clergé bénéficie alors de donations, perçoit des impôts et rend la justice.

Seigneurs et religieux sont présents dans la vie de la communauté depuis l'an mille environ. C'est à travers les écrits ou actes religieux lors de donations, en particulier à l'Abbaye de Clairvaux, que l'on ressent cette rivalité et ceci va marquer l'une des phases les plus importantes de l'histoire de notre village : celle de Saint-Bernard et des croisades. Ce thaumaturge (14), véritable maître de l'Europe, exerce son pouvoir aussi bien sur le Pape que sur le Roi. C'est aussi l'époque où la foi permet le développement de riches abbayes et la construction de milliers d'églises.

L'Abbaye de Clairvaux (15) est fondée en 1115 ; elle est située au nord-est de la forêt du même nom, distante d'une quinzaine de kilomètres, à vol d'oiseau, de Cunfin. Il existe, d'ailleurs, des chemins qui parcourent la forêt, reliant ces deux localités.

L'influence que vont exercer ces religieux sur la destinée de Cunfin est toute tracée. Profitant de la ferveur religieuse, l'ensemble du clergé (les séculiers : évêques, chapitres, collégiales, et les réguliers : monastères, abbayes) va bénéficier, outre la dîme, de droits seigneuriaux et féodaux, qu'il défend avec un soin jaloux. Les moines défrichent une centaine d'hectares et canalisent l'Aube sur 2 kilomètres. Dans les abbayes, les pauvres peuvent être recueillis afin d'obtenir le gîte et le couvert, offrant en contrepartie, leur force de travail pour bâtir, défricher et enrichir ces lieux.     ......*.*.*.*.*

(1) - voir Abbé Tynturié : Notice Historique sur le bourg de Cunfin (1855).

(2) - prêtres et philosophes des Gaulois, il formèrent un corps nombreux et puissants. Leur volonté faisait foi, leurs paroles étaient des oracles et le chêne était, à leurs yeux, le symbole de la divinité. Ils menaient dans les bois une vie de solitaire.

(3) - Peuple de la Gaule Celtique installé sur le plateau de Langres et dans les vallées de la Marne et de la Seine, occupant la Haute-Marne presque entièrement, le Centre Nord-est de la Côte d'Or, l'Est de l'Yonne et le Sud-est de l'Aube.

(4) - Occupaient une partie du sud de la Champagne et le nord de la Bourgogne.

(5) - Les Pagi, du pays Lingon à l'époque Franque étaient : Langrois, Bassigny, Bolenois, Barrois (de l'Aube), Lassois, Tonnerrois, Duesmois, Mémontois, Dijonnais, Atuyer, Oscheret (une partie seulement).

Cunfin faisait partie de la circonscription du Pagus LATISCENSIS, c'est à dire du Lassois ou Lauxois, qui vient du mot "Latisco" ou "Latiscum". Cette ville qui se voyait anciennement sur le plateau de la montagne de VIX, à une lieue de Châtillon, était le chef-lieu d'un pays et résidence d'un Comte et fut détruite par Charles le Chauve.

(6) - jadis CONFINS, CONFINUM, CONFINIA...... (voir Page "Généralités et Documents divers").

(7) - Troyes deviendra le siège d'un Évêché dès 340.

(8) - appareil percé de trous pour séparer des objets, suivant leur grosseur.

(9) - Fils d'Aegidius - général romain - il s'intitulera "Roi des Romains" et son royaume s'établira autour de Soissons. Il sera mis à mort par Clovis en 486.

(10) - Région naturelle correspondant à la frange sud-est du Bassin parisien entre les hautes vallées de la Marne et de la Seine. Elle couvre le centre sud-est du département de la Haute-Marne (Chaumont, Nogent en Bassigny, Clefmont, Montigny le Roi).

(11) - Ils se fixèrent en 912 dans la Neustrie qu'on appela plus tard la Normandie.

(12) - Sanctus adrabricus de confiniis sancti eugendi...

(13) - Ce n'est qu'en 1254, que les comtes de Champagne deviendront aussi comte de Bar-sur-Seine, qui était inféodé à leur vaste domaine. Thibaut IV sera le premier à posséder ces deux comtés réunis...

(14) - Homme qui prétend ou fait des miracles.

(15) - "... L'Abbaye de Clairvaux est à 2 lieues de la ville de Bar-sur-Aube et à 11 lieues de celle de Langres, elle est la filiation de l'Abbaye de Cisteaux et sa scituation est dans un vallon estroit tout rempli de bois appelé Clairval qui fut donné à St Bernard avec toutes ses dépendances par Hugues, comte de Troyes en l'an 1125...". D'après les mémoires de Larcher dressées le 1er jour de l'an 1698.

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