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Extrait de la Thèse de Maîtrise de Sociologie Rurale

" Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne "

 

de Monsieur Claude PARIS

Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille la transformation culturelle, dans laquelle y est relatée ;

 

LA RELIGION

*.*.*.*.*......     En 1985, la religion a perdu la primauté de son influence sur le milieu rural en général et en particulier à Cunfin. Comment se fait-il que ce pays, patrie d'un jeune martyr (Saint-Aldaric), plusieurs fois visité par un Saint prodige de son siècle qui y exerça le pouvoir merveilleux dont Dieu l'avait doté, sur les infirmités humaines, en soit arrivé à cette situation.

Siège d'un couvent, transformé en orphelinat de filles au cours du XIXème siècle, et d'un prieuré célèbre dépendant des moines de Clairvaux, Cunfin possède de nombreux témoignages de l'esprit religieux qui l'a habité durant les siècles précédents.

Outre l'église, la chapelle Sainte-Anne, la vierge de Notre-Dame de la Paix, Cunfin posséda une confrérie renommée qui avait, non seulement son autel particulier dans l'église, mais qui possédait une chapelle sur une colline voisine qui porta longtemps le nom de "vignoble de la confrérie".

Par ailleurs, la vie historique du village rapportée en majeure partie par les moines de Clairvaux, indique que ces religieux ont régenté, plusieurs siècles durant, la vie agricole après que certains seigneurs aient rétrocédé leurs droits territoriaux à leur abbaye. Bien souvent, ils ont été à la base du progrès et ont essayé, par leur assistance et leur piété, de régler les problèmes des famines, d'épidémies et d'invasions.

Mais au XVIIIème siècle et plus récemment au cours du siècle dernier, il semble que le monde religieux n'ait pas su s'adapter pleinement à l'évolution de l'esprit rural en n'assumant pas les nouvelles exigences.

C'est un clergé en plein déclin qui aborde le XXème siècle pour atteindre le niveau le plus bas : absence de prêtres, disparition des messes, des processions ou des fêtes religieuses. Le curé n'est plus un personnage important au village : il a simplement disparu.

Cette église qui commence a être désertée a connu, cependant, ses heures de gloire. Le mode de construction des églises du canton d'Essoyes, dans la circonscription duquel se trouve Cunfin, laisse supposer qu'elles furent toutes ravagées durant les guerres du XIVème siècle et XVème siècle. Ces édifices sont presque tous d'une époque postérieure et paraissent reconstruits sur des ruines plus anciennes, soit par un défaut de ressources ou pour une autre cause ; bien peu ont conservé leur formes primitives.

L'Église, comme nous l'avons dit précédemment, est un ancien prieuré - cure dont l'origine remonte au XIème ou XIIème siècle. Avant 1740, elle n'était qu'à une seule nef, ce qui suffisait pour l'époque, mais l'accroissement de la population fit sentir le besoin d'avoir un édifice beaucoup plus grand. Nous ignorons à quel style elle appartenait, la seule mention qui en est faite est que son clocher portait une pyramide peu élevée avec une toiture en tuiles de quatre pans.

En 1737, elle fut reconstruite (1) sur une plus grande échelle tout en conservant l'ancien clocher et ne s'étendait pas au delà des deux gros piliers qui soutiennent la tour actuelle. Elle n'avait qu'une seule porte, précédée d'un vestibule ou porche destiné à abriter les fidèles étrangers qui assistaient au service divin. Ce fut en 1787 (2) qu'on démolit le clocher pour construire le portail et la tour tels qu'on les voit encore aujourd'hui. Ils sont d'un aspect imposant, très bien bâtis en pierres de taille et d'une belle architecture. La tour est placée au milieu du portail et porte une pyramide de charpentes couvertes d'ardoises dans laquelle on monte par un escalier tournant en pierres, éclairé par des meurtrières. Elle renferme six cloches, trois petites et trois grosses, "très sonores et en parfaite harmonie" ; la plus forte pesait 4500 livres ; elle contient aussi une horloge.

"L'église, sans être monumentale, est grande, belle et remarquable et elle est orientée selon l'usage du catholicisme vers l'Orient. Son architecture tient du style renaissance. Trois grandes portes ouvertes sous le portail y donnent entrée. Son intérieur offre un caractère de gravité résultant de son architecture même qui saisit et impressionne. Elle est bien proportionnée et le jour est amené par six fenêtres parallèles de chaque côté des collatéraux sans compter celles de l'abside. Comme la plupart des basiliques, il y a trois nefs formées par deux rangées de piliers. Les voûtes sont ornées de nervures qui se croisent et dont la retombée repose sur des chapiteaux. Le plein cintre règne partout..." (3).

Cette église possède un buste de Sainte-Anne qui était, avant la Révolution, dans la chapelle qui porte son nom. Cependant, on ne note pas d'objets d'art qui méritent un intérêt archéologique quelconque.

Les biens de l'église, comme le mobilier, furent vendus en 1789 pendant la tourmente révolutionnaire et les cloches furent fondues. Puis elle fut fermée pendant un certain temps au culte (4). Les portes ne rouvriront qu'après les séances de la Convention.

Comme la plupart des églises de campagne, celle de Cunfin est située au milieu du cimetière (5) et elle est placée sous l'invocation de Saint-Maurice, martyr. Un titre du Xème siècle nous apprend déjà que notre pays avait à cette époque pour patron cet illustre chef de la légion thébaine.

La construction de cette église remit en question le problème de la répartition des places au sein de cet édifice. Il fallait donc redistribuer les places aux paroissiens en leur faisant régler le prix de cette attribution. Lors d'un rassemblement collectif du village, il fut procédé, en fonction de la position sociale de chacun, à l'affectation des places. Ainsi, chacun fut nanti d'une place qui serait la sienne tout au long de son existence, moyennant le règlement du droit de siège de 10 sols à la fabrique et l'engagement d'entretenir son banc en l'état où il serait trouvé. En cas de décès, la place serait vendue, par préférence à un héritier direct, après le règlement de la taxe de 10 sols de reconnaissance. Il fut convenu que pour les étrangers venant s'établir à Cunfin, le droit de régler serait plus important, de 20 sols et leurs héritiers n'auraient alors que 10 sols à régler pour pouvoir reprendre la place en succession.

Dans un registre relié, réalisé à cette occasion, on retrouve de nombreux noms d'anciennes familles de Cunfin (6). Chacun fut informé de cette décision par un billet contenant la concession de la place.

Cette pratique de la place attribuée, s'est poursuivie longtemps après la fin de la seconde guerre mondiale. il n'est pas rare de voir encore certaines plaques gravées aux noms des différents postulants. Certaines places possédaient même leur coussin et leur prie-Dieu.

L'évolution des offices religieux a supprimé tous ces vertiges du passé.

Dans un coin de cette église, on pouvait remarquer, autrefois, le long des murs, des bannières, aujourd'hui disparues, qui faisaient état de l'existence d'une Confrérie du Saint Nom de Jésus dont on retrouve la trace au commencement du XVIème siècle. La tradition locale attribue son établissement au prieur d'alors. Elle fut à l'honneur jusqu'à la Révolution. C'est à cette époque qu'elle connut de sérieuses difficultés. Nous ne connaissons pas les statuts exacts de cette Confrérie mais on peut penser qu'elle avait les mêmes que ses semblables, c'est à dire que c'était une association à vocation pieuse dont l'origine se perd dans le haut Moyen-Age. On y admettait tous les fidèles sans distinction de sexe, de bonne réputation et vivant dans la crainte de Dieu. Cette admission se faisait sans cérémonie particulière. Il suffisait de se faire inscrire sur le registre ouvert à cet effet et de contribuer annuellement aux charges de la Confrérie par une petite cotisation (cinquante centimes en 1800) dont la moitié était consacrée au soulagement des confères et des consoeurs malades. Les noms de ceux et celles qui y étaient associés, étaient proclamés au prône de la messe paroissiale, le 14 janvier, jour où se célébrait avec grande pompe la fête de la Confrérie. Tous les ans, deux services funèbres étaient célébrés pour les défunts, l'un le lendemain de la fête de la Confrérie, l'autre le lendemain du dimanche qui suivait la Saint-Maurice. Lorsque l'un des membres venait à décéder, le glas de la cloche tintait 11 coups, conformément à un ancien usage, dont hélas on ignore l'origine. Presque toute la population de Cunfin faisait partie de cette Confrérie du Saint Nom de Jésus.

La tradition religieuse du village laisse aussi une large part au culte de Sainte-Anne grâce à l'existence d'une chapelle très ancienne.

"A un quart de lieue de Cunfin, sur un coteau pierreux, on aperçoit une chapelle sous le vocable de Sainte-Anne, patronne secondaire du pays". Curieux monument d'architecture du Moyen-Age, toutes les traditions du lieu de mêlent au souvenir de cette chapelle. Il en est fait mention, par quelques lignes, dans le "Dictionnaire des pèlerinages et des lieux de dévotion les plus célèbres de l'univers" publié en 1850.

Elle datait de la même année que le prieuré dont elle dépendait et avait été fondée, comme ce couvent par Saint-Simon, comte de Bar-sur-Aube. Les circonstances de cette construction sont inconnues. On peut présumer que cette chapelle fut, dans le principe, l'humble cellule de quelques pieux anachorètes (moines qui vivent dans la solitude) ou de Simon lui-même. Cet édifice était bâti sur un plan légèrement incliné, les murailles étaient noircies par les siècles, sa couverture était en tuiles plates et un petit clocher à flèche en bois, fort gracieux, la couronnait ; il renfermait une cloche de 125 Kgs. On y entrait par une porte ogivale où était pratiquée une ouverture en forme de coeur qui permettait d'en découvrir l'intérieur. "... Depuis longtemps, elle n'avait plus d'ornementation. Elle avait environ 20 pieds de long et 10 pieds de large. Elle était divisée en deux parties égales par une balustrade en bois tourné et peint, qui s'élevait jusqu'à la hauteur du plancher. Elle était pavée en dalles du pays et éclairée du côté du midi par deux fenêtres en ogives garnies de barreaux de fer. On voyait, de chaque côté de l'autel, deux statues en pierre d'environ deux pieds de hauteur (l'une représentant Sainte-Anne, l'autre Sainte-Germaine). Sur le devant, on trouvait un grand et haut vestibule ou porche ouvert seulement du côté du midi, qui permettait d'offrir un abri, en cas d'orage, aux passants et aux cultivateurs des alentours." A l'extérieur, au nord, était adossé un ermitage, c'est à dire un petit local où un ermite établi pour garder la chapelle, établissait sa demeure. L'ensemble se composait d'un cellier où l'ermite plaçait le vin de la vigne adjacente à la chapelle, qu'il cultivait pour son compte. L'enceinte de ce monument religieux était, en grande partie, couverte de grands arbres.

Quelques textes font encore état de la présence d'un ermite ou garde chapelle en 1738. Il ne quittait sa cellule que pour aller quêter sa subsistance ou pour se rendre les dimanches et fêtes à l'église paroissiale où il entendait l'office. Cette chapelle était, d'ailleurs, encore entourée de vignes et dépendait de la garde des moines du prieuré. D'autre part, il a été retrouvé des pièces de monnaie des XIème et XIIème siècles et d'autres objets, aux alentours de cette chapelle, mais il n'a pas été possible de savoir qui les avait récupérés et où ils avaient été emmenés.

Sainte-Anne jouissait d'une grande réputation dans la contrée et, pendant 500 ans, fut l'objet de nombreux pèlerinages. On y voyait accourir les malades ou des personnes qui venaient déposer des ex-voto après les guérisons. Tous les ans, les curés des environs s'y rendaient en procession solennelle avec leurs paroissiens et venaient y prier.

On relève aussi, dans la tradition locale, l'existence d'une procession à Sainte-Anne pour faire pleuvoir ! dans les périodes de grande sécheresse ; la procession allait chercher le buste de la Sainte patronne que l'on déposait dans l'église pendant un ou deux jours.

Néanmoins, la chapelle commençait à se délabrer. Il fut un temps question de la restaurer mais en 1836 elle fut démolie pour être reconstruite.

Ce nouvel édifice que nous connaissons à l'heure actuelle, ne ressemble pas, parait-il, à l'ancienne chapelle. Il fut l'oeuvre d'un notable du village (Nicolas Bellot) à qui appartenait le terrain où la chapelle était sise. Le 27 juillet 1837, le curé fit la bénédiction solennelle au milieu d'une foule recueillie. Une stèle surmontée d'une croix fut érigée à la mémoire de Nicolas Bellot, celle-ci était encore présente en 1985, mais des vandales au printemps 1986 l'ont massacrée.

Cette histoire de la chapelle Sainte-Anne ne serait pas complète si l'on ne parlait pas de la source qui existe au bas de la colline et qui porte le même nom. Les deux monuments sont séparés par la route qui va deCunfin à Villars. Longtemps, on a attribué à cette eau de précieux effets, entre autres celui de guérir la fièvre, de faire disparaître la douleur, ainsi que la guérison de certains maux d'yeux... Mais là encore, la source que nous découvrons de nos jours, n'est pas celle qui existait jadis, le propriétaire du terrain l'ayant supprimée.

Une autre manifestation de l'esprit religieux du village mérite d'être signalée. En 1866, l'Abbé Robert souhaitait l'érection l'année suivante, d'un monument à la mémoire de Saint-Bernard. Il lança une souscription grâce à la vente d'un petit livret : "le petit livre bleu" (7), littérature chère à la région. Il se basait sur le culte des Saints, en déclin dans les campagnes. Il fallait donc le remettre à l'honneur en popularisant leurs images. Hélas, cette érection n'aura jamais lieu. Pourtant, ce n'était pas un fait isolé dans la vie religieuse du village car une autre édification avait eu lieu en 1864, celle de la statue de Notre-Dame-de-la-Paix (La Madone).

Ainsi, les esprits tendaient à se soustraire aux "influences pacifiques de la religion" et les campagne, plus que les villes, subissaient cette loi. Cunfin, malgré sa "religiosité" n'y avait pas échappé et le village se divisait en deux clans. Le but, en élevant cette statue, était d'éloigner l'influence pernicieuse du jansénisme qui atteignait plus particulièrement le diocèse de Troyes. Mais l'idée principale de cette élévation, tenait surtout au fait que le curé de l'époque, ainsi que la population, souhaitaient contribuer au mouvement général qui ramenait la France au culte de la Vierge. Le jansénisme avait augmenté la défaillance en continuant sourdement la guerre que le protestantisme avait inaugurée publiquement contre la Sainte Vierge en la reléguant au niveau des Saints "ordinaires".

Cependant, l'idée d'ériger cette madone était beaucoup plus profonde sur le plan théologique. Elle était, pour le curé de Cunfin, un moyen de lutter contre deux erreurs fondamentales : la négation du surnaturel et l'affirmation du matérialisme pratique. C'était un moyen de combattre le rationalisme qui prétend tout ramener au niveau des conceptions et qui pose des hypothèses à la place des vérités universellement reçues, rejetant le surnaturel du domaine de la science. "Ainsi l'homme ne doit rien à Dieu" ! c'est contre cela, que notre brave curé voulait lutter.

Le choix de l'emplacement posait déjà un gros problème car il existait trois possibilités :

* la colline dite des Roises qui bornait le village au nord et s'avançait en promontoire entre les rues de Bar et de la Fontaine,

* la colline surnommée de la confrérie sur la route de Fontette où avait existé, autrefois, la chapelle du Saint Nom de Jésus et qui appartenait à la confrérie du même nom,

* enfin, la colline dite du prieur, qui faisait partie du prieuré avant la Révolution.

Ce dernier lieu, réunissant les avantages des deux précédents, sera retenu (8). Ainsi, placée en face de l'église, de la cure et de l'hôtel de ville, surplombant les habitations de plus de 80 mètres et n'en étant éloignée que de 200 mètres, se détachant nettement sur fond de ciel, elle offrait le point le plus favorable pour être vue, non seulement des rues, mais de la plupart des maisons.

La statue fut réalisée par un artiste, Monsieur Charton de Dampierre, et mesurait environ 2 mètres. Les écussons qui ornent la base portent les inscriptions :

- sur l'écusson antérieur : O Marie Reine Immaculée ! O Marie, Reine de la paix, priez pour vos enfants de Cunfin,

- sur l'écusson postérieur : Fiat pax in virtute tua - Accordez-nous la paix pour la puissance de votre bras,

- sur l'écusson de droite : Fundamenta ejus in mortibus sanctis - elle est posée sur une montagne sainte,

- enfin, sur l'écusson de gauche : Sicut cedrus exaltata sum - ma tête est élevée comme celle du cèdre.

 

Pour y accéder, un chemin avait été taillé par les habitants de façon à ce que la pente soit adoucie par plusieurs méandres pour permettre à une procession d'y acheminer en cortège depuis l'église du village. Le conseil municipal, de son côté, considérant ce chemin d'utilité publique par le fait qu'il desservait tout le plateau, voulut prendre part aussi à son exécution et sur proposition du Maire, Monsieur Brévot, il vota une somme qui permit d'envoyer aux travaux ceux des habitants que le chômage de la mauvaise année laissait sans ouvrage. Pendant plus de cinq semaines, il n'y eut pas moins de 15 à 20 travailleurs occupés journellement à construire une route de 4 mètres de large sur 300 mètres de long et deux plates-formes de 100 mètres. Les travaux furent terminés vers la fin du mois d'octobre et comme la saison s'avançait, on dut s'occuper de procéder, sans retard, à la cérémonie de la bénédiction qui fut fixée au dimanche 30 octobre 1864.

"A grand renfort de guirlandes et d'oriflammes bleues et blanches auxquelles se mêlaient les couleurs nationales et la bannière rouge de Saint-Maurice, les maisons étaient pavoisées. Le vicaire général de Monsieur l'Évêque, Mr Langevin, présida la cérémonie en présence de nombreux curés de la région. Cette journée fut émaillée par plusieurs cérémonies, trois musiques étaient présentes : celle de Cunfin, d'Essoyes et de Fontette. Elles jouaient des marches triomphantes et les sapeurs-pompiers formaient la haie tout le long du chemin. On ne dénombra pas moins de 2000 personnes venues assister à cette cérémonie. La journée se termina par un banquet offert par le curé à quarante convives, dont le Conseil municipal au grand complet. En soirée, le chemin avait été illuminé par des lanternes vénitiennes et un feu d'artifice fut tiré...".

En outre, des médailles en argent, ont été frappées en commémoration de la cérémonie. Ces médailles représentaient d'un côté, Notre Dame de la Paix, et de l'autre, on pouvait y lire ces mots : "Association des enfants de Marie de la paroisse de Cunfin, souvenir du 30 octobre 1864".

Cette statue disparaît maintenant au milieu des bois et le chemin pour y monter ne laisse plus passer qu'une seule personne à la fois, pour devenir inexistant par endroits.

Si la Révolution a quelque peu transformé la puissance des religieux, il n'en reste pas moins que le clergé a essayé de multiplier les moyens pour garder présente sa prédominance dans la vie du village. Les différentes processions, les offices, les monuments comme la Madone, la chapelle de Sainte-Anne, le chêne, la source, sont des témoignages de ce passé qui ne pourront pas s'effacer du jour au lendemain. C'est également à cette époque que l'Abbé Tynturié (9), né à Cunfin en 1795, rédigera une notice historique sur le bourg de Cunfin.

Maintenant, cette vie religieuse, très active, connaît un déclin notoire. L'église qui était le symbole de la communauté villageoise, ne joue plus le rôle de rassembler le village à certaines occasions. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

Omniprésente au début du siècle, l'église a perdu de son importance dans la vie du village.

Après la mort du dernier curé de Cunfin, l'Abbé Collinet, vers le début des années cinquante, les offices furent dits par des "pères" ou des "frères" de l'ordre des Franciscains. Toutefois, n'étant pas affectés de manière permanente au village, ces religieux ne venaient uniquement que pour les offices et faire le catéchisme.

Les premières réformes apparurent avec les horaires des messes qui ne se souciaient plus de l'habitude ancienne de l'office célébré ponctuellement le dimanche matin. Ensuite, ce fut la transformation de l'église elle-même avec la suppression des statues qui ornaient chaque pilier et le remplacement du "Chemin de croix", matérialisé jusqu'alors par des gravures anciennes, par de simples croix de bois. On assista alors à un conflit entre ceux qui étaient d'accord avec cette nouvelle manière moderne et ceux qui gardaient l'esprit plus conservateur.

Mais que faire contre un prêtre qui dit sa messe face à l'assistance ! Une solution consista , pour certains, à ne plus assister à la messe dominicale. Pourtant, ils reprirent, pour la plupart, le chemin de l'église car cette attitude, en quelque sorte marginale, non seulement les culpabilisait mais les privait du plaisir de rencontrer les autres à la fin de l'office. De plus, que le "père" se rende au café pour rejoindre le maire afin de boire une "chopine" et jouer au billard, ne choquait plus ! En France, sur les écrans, on passait "Don Camillo", à Cunfin c'était déjà la réalité...

Cependant, malgré cet état d'esprit, nos pères étaient aimés mais ils ont contribué à l'extinction de la vie religieuse dans la commune n'étant pas en assez grand nombre. Ainsi, petit à petit, la célébration des offices de fêtes ne se faisait plus qu'à tour de rôle dans un seul village pour tout le canton. Cunfin perdit ainsi son pèlerinage à la chapelle Sainte-Anne (la troisième semaine de juillet) et celui de la Madone (le 15 août).

Nombreuses étaient les personnes des environs qui venaient assister à ces cérémonies. Celles-ci étaient modestes mais les enfants de choeur, pour l'occasion, troquaient l'aube toute simple des dimanches contre le surplis rouge. Dans la tradition villageoise, il était important de servir la messe. Chaque messe était comptabilisée et rétribuée au moment des fêtes de Pâques, ce qui pour les enfants n'était pas négligeable ! La semaine Sainte, en plus des différents offices, voyait son calme perturbé par la tournée des enfants dans les maisons pour les "roulées" (10). Cette petite tradition consistait à interpréter une chanson dans chaque famille. Puis l'équipe repartait après avoir reçu des oeufs ou des "sous". A la fin de la journée, on procédait à la répartition de l'argent et des oeufs, qui bien souvent avaient été monnayés chez les commerçants. Cette répartition dans laquelle le "père" n'était pas oublié se faisait au prorata des messes servies durant l'année.

En 1985, un seul ecclésiastique pour tout le canton, essaie tant bien que mal, de conserver une forme de vie religieuse. Notre église ne s'anime plus que très rarement pour les mariages ou les enterrements. Les familles les plus pratiquantes n'hésitent pas à faire le chemin pour se rendre à Essoyes, ou organisent, eux-mêmes, un petit service religieux.

Nouvelle époque, nouvelles moeurs ! Quelles sont éloignées ces traditions qui remplissent encore nos têtes lorsque la cloche du village retentissait pour nous appeler à l'office ! Perdus ces cris d'enfants qui attendaient avec impatience la sortie de la messe pour ramasser les dragées ou les pièces de monnaie jetées par la famille lors des baptêmes ou des mariages !

C'est encore une occasion de se rencontrer entre habitants du village qui n'existe hélas plus !

De nos jours, on peut voir l'église ouverte, lorsqu'il fait beau, les gens n'y entrent plus pour se recueillir mais par curiosité, les jeunes vont y jouer de l'harmonium puis ressortent vite de cet endroit glacial et humide, quelque peu abandonné aux araignées et à la moisissure. Pourtant quelle était jolie avec ses beaux vitraux qui, par grand soleil, faisaient des taches multicolores sur les dalles et nous intéressaient plus que l'office, il faut bien le dire. Elle sentait bon alors l'encens et la cire et de dehors on entendait les chants et le vieil harmonium et tout cela contribuait à donner une autre notion au dimanche matin où tout le village se retrouvait, y compris les agriculteurs qui avaient laissé pour un moment leurs champs.     ......*.*.*.*.*

(1) - construction prescrite par ordonnance en date du du 21 mai 1729.

(2) - En cette année, eut lieu la construction de la cure et des trois ponts sur le ruisseau.

(3) - D'après l'Abbé Tynturié : Notice historique sur le bourg de Cunfin.

(4) - Quelques années durant, le service divin fut célébré successivement par deux prêtres extérieurs. Puis Etienne Benoît, ancien curé de Cunfin, né à Langres en 1748 et proche parent de Diderot, dont il avait le caractère sans en avoir les opinions, pu rentrer dans sa cure assurer son service. Il avait eu à souffrir de la Révolution et passa 16 mois dans les prisons de Paris. Curé du village depuis 1778, il y mourut en 1833.

(5) - L'esprit religieux était favorable à cette implantation afin de perpétuer d'une façon plus directe le culte des morts. A Cunfin, le problème s'est reposé dans les années soixante, pour l'agrandissement du cimetière, hors des murs de la localité, c'est finalement un second emplacement à côté du premier qui a été retenu.

(6) - Archives Départementales : Distribution des bancs et places de la nouvelle église par J.B. Camu, curé de Vendeuvre et doyen rural de Bar-sur-Seine, délégué par l'Évêque de Langres (1742). 

(7) - A partir de 1670, les fameux petits livres de la bibliothèque bleue de Troyes sont colportés dans toute la France. Ils atteindront toutes les couches du monde rural et contribueront à la diffusion d'une forme de culture bien pensante. Dans le cas présent, il s'agit du livre : Un fleuron de la couronne de Marie ou Notre Dame de la Paix à Cunfin par l'Abbé Robert, curé de Cunfin (imprimeur Bertrand HU de Troyes - édition de 1866).

(8) - une partie du terrain a été donnée par Monsieur Nicolas Delaunay, vieille famille du pays.

(9) - Fils de Gabriel Teinturier, dit Fleuriot et de Gabrielle Prieur, il changera son nom en modifiant l'orthographe en 1814. Il était encore jeune quand la mort lui enleva ses parents et il resta sous la tutelle de ses deux frères qui le pousseront à suivre des études au séminaire de Troyes, en 1812. Il sera élevé au sacerdoce après de sérieuses études de Philosophie en 1819. Il ne sera jamais curé de Cunfin. Outre la notice sur le village de Cunfin, il en écrivit une auparavant, sur un village de la Côte d'Or (Chabeuil) dans lequel il mourut.

(10) - Une des dernières traditions présentes dans la vie quotidienne avec celle des "Mai" qui consiste à mettre un arbre devant la maison des jeunes filles à marier, au Maire et devant les cafés.

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