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Extrait de la Thèse de Maîtrise de Sociologie Rurale

" Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne "

 

de Monsieur Claude PARIS

Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille la transformation culturelle de la religion, dans laquelle y est relatée ;

 

* Notre Dame de la Paix * dite * La Madone *

*.*.*.*.*......     Une autre manifestation de l'esprit religieux du village mérite d'être signalée. En 1866, l'Abbé Robert souhaitait l'érection l'année suivante, d'un monument à la mémoire de Saint-Bernard. Il lança une souscription grâce à la vente d'un petit livret : "le petit livre bleu" (1), littérature chère à la région. Il se basait sur le culte des Saints, en déclin dans les campagnes. Il fallait donc le remettre à l'honneur en popularisant leurs images. Hélas, cette érection n'aura jamais lieu. Pourtant, ce n'était pas un fait isolé dans la vie religieuse du village car une autre édification avait eu lieu en 1864, celle de la statue de Notre-Dame-de-la-Paix (La Madone).

Ainsi, les esprits tendaient à se soustraire aux "influences pacifiques de la religion" et les campagne, plus que les villes, subissaient cette loi. Cunfin, malgré sa "religiosité" n'y avait pas échappé et le village se divisait en deux clans. Le but, en élevant cette statue, était d'éloigner l'influence pernicieuse du jansénisme qui atteignait plus particulièrement le diocèse de Troyes. Mais l'idée principale de cette élévation, tenait surtout au fait que le curé de l'époque, ainsi que la population, souhaitaient contribuer au mouvement général qui ramenait la France au culte de la Vierge. Le jansénisme avait augmenté la défaillance en continuant sourdement la guerre que le protestantisme avait inaugurée publiquement contre la Sainte Vierge en la reléguant au niveau des Saints "ordinaires".

Cependant, l'idée d'ériger cette madone était beaucoup plus profonde sur le plan théologique. Elle était, pour le curé de Cunfin, un moyen de lutter contre deux erreurs fondamentales : la négation du surnaturel et l'affirmation du matérialisme pratique. C'était un moyen de combattre le rationalisme qui prétend tout ramener au niveau des conceptions et qui pose des hypothèses à la place des vérités universellement reçues, rejetant le surnaturel du domaine de la science. "Ainsi l'homme ne doit rien à Dieu" ! c'est contre cela, que notre brave curé voulait lutter.

Le choix de l'emplacement posait déjà un gros problème car il existait trois possibilités :

* la colline dite des Roises qui bornait le village au nord et s'avançait en promontoire entre les rues de Bar et de la Fontaine,

* la colline surnommée de la confrérie sur la route de Fontette où avait existé, autrefois, la chapelle du Saint Nom de Jésus et qui appartenait à la confrérie du même nom,

* enfin, la colline dite du prieur, qui faisait partie du prieuré avant la Révolution.

Ce dernier lieu, réunissant les avantages des deux précédents, sera retenu (2). Ainsi, placée en face de l'église, de la cure et de l'hôtel de ville, surplombant les habitations de plus de 80 mètres et n'en étant éloignée que de 200 mètres, se détachant nettement sur fond de ciel, elle offrait le point le plus favorable pour être vue, non seulement des rues, mais de la plupart des maisons.

La statue fut réalisée par un artiste, Monsieur Charton de Dampierre (*), et mesurait environ 2 mètres. Les écussons qui ornent la base portent les inscriptions:

- sur l'écusson antérieur : O Marie Reine Immaculée ! O Marie, Reine de la paix, priez pour vos enfants de Cunfin,

- sur l'écusson postérieur : Fiat pax in virtute tua - Accordez-nous la paix pour la puissance de votre bras,

- sur l'écusson de droite : Fundamenta ejus in mortibus sanctis - elle est posée sur une montagne sainte,

- enfin, sur l'écusson de gauche : Sicut cedrus exaltata sum - ma tête est élevée comme celle du cèdre.

Pour y accéder, un chemin avait été taillé par les habitants de façon à ce que la pente soit adoucie par plusieurs méandres pour permettre à une procession d'y acheminer en cortège depuis l'église du village. Le conseil municipal, de son côté, considérant ce chemin d'utilité publique par le fait qu'il desservait tout le plateau, voulut prendre part aussi à son exécution et sur proposition du Maire, Monsieur Brévot, il vota une somme qui permit d'envoyer aux travaux ceux des habitants que le chômage de la mauvaise année laissait sans ouvrage. Pendant plus de cinq semaines, il n'y eut pas moins de 15 à 20 travailleurs occupés journellement à construire une route de 4 mètres de large sur 300 mètres de long et deux plates-formes de 100 mètres. Les travaux furent terminés vers la fin du mois d'octobre et comme la saison s'avançait, on dut s'occuper de procéder, sans retard, à la cérémonie de la bénédiction qui fut fixée au dimanche 30 octobre 1864.

"A grand renfort de guirlandes et d'oriflammes bleues et blanches auxquelles se mêlaient les couleurs nationales et la bannière rouge de Saint-Maurice, les maisons étaient pavoisées. Le vicaire général de Monsieur l'Évêque, Mr Langevin, présida la cérémonie en présence de nombreux curés de la région. Cette journée fut émaillée par plusieurs cérémonies, trois musiques étaient présentes : celle de Cunfin, d'Essoyes et de Fontette. Elles jouaient des marches triomphantes et les sapeurs-pompiers formaient la haie tout le long du chemin. On ne dénombra pas moins de 2000 personnes venues assister à cette cérémonie. La journée se termina par un banquet offert par le curé à quarante convives, dont le Conseil municipal au grand complet. En soirée, le chemin avait été illuminé par des lanternes vénitiennes et un feu d'artifice fut tiré...".

En outre, des médailles en argent, ont été frappées en commémoration de la cérémonie. Ces médailles représentaient d'un côté, Notre Dame de la Paix, et de l'autre, on pouvait y lire ces mots : "Association des enfants de Marie de la paroisse de Cunfin, souvenir du 30 octobre 1864".

Cette statue disparaît maintenant au milieu des bois et le chemin pour y monter ne laisse plus passer qu'une seule personne à la fois, pour devenir inexistant par endroits.     ......*.*.*.*.*

(1) - A partir de 1670, les fameux petits livres de la bibliothèque bleue de Troyes sont colportés dans toute la France. Ils atteindront toutes les couches du monde rural et contribueront à la diffusion d'une forme de culture bien pensante. Dans le cas présent, il s'agit du livre : Un fleuron de la couronne de Marie ou Notre Dame de la Paix à Cunfin par l'Abbé Robert, curé de Cunfin (imprimeur Bertrand HU de Troyes - édition de 1866).

(2) - une partie du terrain a été donnée par Monsieur Nicolas Delaunay, vieille famille du pays.

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(*) - Fils de Pierre Noël et de Marie Thérèse MARCEL, Jean Louis CHARTON dit Louis Jean est né à Trouan-le-Grand (Aube) le 8 janvier 1823. Il est mort à Dampierre (Aube) le 6 février 1900. Sculpteur et ornemaniste, il était spécialisé dans l'art religieux. Il se forma au contact de Joseph Valtat, avec qui il travailla jusqu'en 1847. Il fréquenta l'école de dessin de Troyes de 1844 à 1846.

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