Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille le changement social, dans laquelle y est relaté ;

 

L'HABITAT

​

*.*.*.*.*......     L'habitat au sens précis du terme désigne pour l'homme, comme pour les animaux, l'aménagement d'un lieu pour en faire une demeure à la fois logement, atelier de travail et cadre de vie.

​

Le village est une agglomération compacte de 250 maisons environ que l'on avait coutume d'appeler "bourg" au XIXème siècle et ce terme indique bien l'importance de celui-ci, aujourd'hui disparue.

En 1854, on écrivait du village : "... il est tout composé de maisons très propres, même élégantes, qui annoncent le bien être pour ses habitants. Elles sont construites en pierres de roche extraites du pays et couvertes de pierres plates auxquelles on a donné le nom de laves...".

Anciennement, on pouvait voir à Cunfin, comme ailleurs, sur les murs extérieurs des maisons, des images et des statues, soit en peinture, soir en relief. Dans le principe, une pensée religieuse s'alliait presque toujours à l'idée d'une construction nouvelle et l'on consacrait une maison comme on le faisait pour une chapelle ou une église. Cette sorte de consécration exigeait la présence d'une statue du Saint (ou de la Sainte) sous la protection duquel on plaçait sa maison. Pourtant, ces idées religieuses se sont affaiblies vers la fin du XVIème siècle et petit à petit, ces allégories sacrées disparurent sur les maisons pour la plupart rebâties(1).

Dans le sud-est et l'ouest du département de l'Aube, la pierre servit de matériau de construction. Elle est surtout calcaire (2), silex, grès ou galet des vallées alluviales. Mais les pierres de ces confins de l'Aube sont régulières et permettent un bon assemblage. Les murs sont épais et assurent la solidité de la construction. Ils protègent des froids de l'hiver et isolent des chaleurs estivales. Dans la typologie de l'habitat rural en Champagne, Cunfin appartient à la zone des constructions en calcaire crétacé.

​

Jadis, l'économie rurale était autarcique, répondant à des besoins locaux par des moyens locaux. Le domaine du bâtiment et de la construction ne pouvait échapper à cette loi générale. La présence d'importantes forêts de chênes en défrichement orienta naturellement vers la construction en pans de bois. Le chêne en constitue la solide armature. Le sol argileux permettait la fabrication du torchis (ou pisé) (3), mélange de glaise, de paille, de chaux et de crottin de cheval. Les tuiles et les briques étaient fabriquées sur place, ce qui peut donner une explication aux différents trous ou "carrières" retrouvés dans les environs de Cunfin. Cette région sur la carte physique et économique de l'Aube, de la fin du XIXème siècle, est marquée comme une zone de pierres à bâtir. Ces articles liés à l'habitat tenaient une place importante et constituaient des articles expédiés parfois vers la capitale.

​

Cunfin peut se classer dans la catégorie des villages dits à "habitat groupé" (4) avec deux ou trois fermes en dehors des limites de sa localité. Dans cette zone calcaire aux plateaux secs et aux vallées récentes, l'habitat s'est groupé à proximité d'un point d'eau. Les maisons ont un aspect massif et sont, en général, de type maison bloc. Cette forme d'habitation est considérée comme le reflet d'une économie de type autarcique. Par ailleurs, on notera le long de la rue principale (Grande Rue), des maisons de tailles variables. Modestes, elles appartenaient à ceux qui, tout en cultivant quelques champs, exerçaient toutes sortes de petits métiers complémentaires. De grande taille, elles appartenaient aux cultivateurs et s'organisaient selon un plan en rectangle autour d'une cour plus ou moins vaste ; celle-ci était fermée par un portail encadré par deux piles monumentales, parfois surmontées d'un chapiteau, lui-même complété d'un volume décoratif.

Ces maisons à cour, ou fermes, ou maisons de cultures, comme elles sont plus fréquemment désignées, se composent essentiellement de la maison d'habitation proprement dite et des dépendances comprenant la ou les granges, les étables, la soue, le poulailler, les cages à lapins, les remises... l'ensemble délimitant la cour avec sa citerne et son fumier. Aux abords immédiats, on retrouve le verger (le clos) et le potager (le jardin). Dès qu'une exploitation prend de l'importance, la grange occupe une place privilégiée dans la cour de la ferme en formant le fond. Mais bien souvent, elle est accolée à la maison sur le même alignement. De grande dimension, elle accueillait les hautes charrettes chargées de gerbes et les batteurs qui occupaient son aire centrale, lors du battage. On y pénètre par une grande ouverture bouchée à l'aide d'une lourde porte coulissante qui est condamnée dès l'automne.

Cependant, la maison la plus répandue dans le village, est la maison du vigneron. Elle est de type "bloc" d'une dimension plus modeste et ne répond pas aux mêmes fonctions que les maisons de culture. Elles sont toutes construites sur le même modèle. Le vigneron aubois ne dispose pas de gros revenus : la superficie plantée en vigne ne lui permet pas de vivre et il doit avoir recours à des travaux d'appoint chez les propriétaires les plus importants pour survivre.

Cette maison présente un rez-de-chaussée avec deux pièces dont l'une fait office de cellier, un étage où l'on accède par un escalier prenant dans la première pièce, ou cuisine, (ou parfois dans le cellier) avec une chambre et un grenier. La chambre située au dessus de la cuisine bénéficie de la chaleur qui émane de la colonne de la seule chemine de la maison située dans la cuisine. Selon le terrain où elle est située, cette maison comporte, soit des caves avec accès extérieur dans le jardin, soit un sous-sol ouvrant à l'arrière de plain-pied sur le jardin potager. A cette remise est attenante une cave voûtée dans laquelle le vigneron pouvait ranger son vin ; on y accède par un escalier extérieur à la maison.

La réserve de bois est toujours située à l'extérieur pour le bois rentré en cours d'année et à l'abri dans un bûcher pour celui qui a été rentré les années précédentes. Ce dernier est rangé en piles et débité en deux sortes : les "bûches" et la "charbonnette". Pour allumer le feu on se sert de brindilles prises dans un fagot. La consommation annuelle de bois varie en fonction des foyers, de 20 à 30 stères.

​

Les toits ont une inclinaison assez faible : 20° avec des tuiles plates et 30° à 45° avec des tuiles romaines.

​

A l'heure actuelle, le problème de l'eau n'en est plus un. Chaque maison est dotée des commodités de la vie moderne. Les puits ne sont plus que des garnitures qui égayent ça et là le village. La cuisine n'est plus la seule pièce chauffée et les greniers ont été transformés en chambres avec pour beaucoup chauffage central.

​

Il convient aussi de signaler les quelques bâtiments communaux que possède le village : trois lavoirs, un établissement de bains douches, une halle, le presbytère, la poste, les écoles.

​

En ce qui concerne les trois lavoirs présents et encore en bon état, il faut reconnaître que la municipalité a tenu à ce qu'ils soient entretenus. L'un d'eux a été transformé en local de réunion pour les chasseurs. Quant à la Halle, transformée en hangar pour le car dans les années cinquante, il ne faudra pas grand chose pour qu'elle retrouve son cachet d'origine.

​

Si l'habitat a son importance dans la vie quotidienne des individus, l'établissement des bains douches a joué un rôle non négligeable dans l'accroissement des relations des villageois. La mémoire communale n'a plus souvenance du point de départ de cette idée. Il n'en reste pas moins que le village était doté d'un bâtiment unique pour la région. Il répondait surtout à un souci de progrès et de modernisation dans la distribution de l'eau et la possibilité de mettre à la portée de tous, des moyens sanitaires.

Cette bâtisse se présentait sous l'apparence d'une maison en ciment sans aucun rapport avec le style des autres maisons. Faisant preuve d'un modernisme que je qualifierai 'd'urbain", cet établissement comportait trois niveaux : un sous-sol dans lequel on trouvait la machinerie et la remise à bois pour le chauffage de la chaudière à eau chaude ; un niveau avec 4 cabinets de douches, une salle de bains et un local pour le préposé ; enfin un escalier donnait sur un étage où une pièce était aménagée en dispensaire. Ce terme est un bien grand mot, mais cette pièce offrait une facilité médicale qui était exploitée par le médecin quand il venait pour la visite médicale scolaire.

Ce bâtiment lourd et massif, recouvert de tuiles mécaniques, bénéficiait d'une position privilégiée, c'est à dire au milieu du village, à côté de la mairie, de l'école, de l'église, de la poste et du café. Il a connu sa pleine activité dans les années soixante et palliait le sous-développement des salles de bains. Les horaires d'ouverture se situaient entre le samedi 9 H 00 et le dimanche 12 H 00. Le samedi matin était réservé aux enfants des écoles et l'instituteur établissait un tour de passage afin de perturber le moins possible les cours du matin. Le dimanche matin, il n'était pas rare de voir des gens des localités avoisinantes qui n'avaient pas hésité à faire plusieurs kilomètres, souvent à vélo, pour venir se laver. L'utilisation des cabines était d'environ 20 minutes et on peut, sur cette base, chiffrer à 180 personnes l'effectif qui utilisait ce lieu, durant le week-end.

C'était, bien évidemment, un pôle d'attraction et de prétexte de rencontres entre personnes du village qui n'avaient pas l'habitude de se voir. Pour les jeunes, c'était un point de rendez-vous.

Le progrès, petit à petit, a entraîné une "désertion" de cet établissement et un matin de 1985, une pelle mécanique a mis fin à cette belle histoire.

​

De nombreuses maisons anciennes se maintiennent au coeur du village, restaurées par des citadins ou par des enfants qui ont repris la maison familiale. Dans plusieurs cas, un effort a été fait pour garder l'aspect champenois et les caractéristiques propres au village : les pierres taillées apparentes. La modernisation agricole a poussé, par contre, à la création de bâtiments nouveaux et fonctionnels qui n'ont plus les spécificités de la région.

Les maisons datent en grande partie de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle et depuis cinquante ans, on ne relève que cinq constructions dans un style moderne. Elles appartiennent toutes à des jeunes, nés au village trente ans auparavant.

Le village ne possède ni immeuble, ni lotissement. Cunfin a su garder les dimensions et le volume des habitations qu'il avait deux siècles plus tôt.     ......*.*.*.*.*