top of page

Extrait de la Thèse de Maîtrise de Sociologie Rurale

" Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne "

 

de Monsieur Claude PARIS

Dans sa thèse de maîtrise de sociologie rurale " Déclin d'une commune française - Cunfin en Champagne " réalisée sous la direction de Mesdames EIZNER et GROSHENS (Université PARIS X - NANTERRE - Sciences sociales et administration - Année 1985/1986),

Monsieur PARIS, Claude, détaille la révolution moderne, dans laquelle y est relatée ;

 

L'AVENTURE FERROVIAIRE

 

*.*.*.*.*......     Dans la plupart des régions, le Second Empire a vu le système de vie traditionnel commencer à être détruit par la modernité. Pourtant, n'est-ce pas une idée trop classique que de vouloir énoncer un tel axiome ? Il serait peut-être plus juste de parler d'une succession de systèmes ayant chacun leur cohérence avec leur destination sociale bien définie.

La société paysanne a été totalement modifiée par l'avènement du progrès qui, en cherchant à améliorer les conditions de vie du monde rural, a contribué à le sortir de l'isolement dans lequel il vivait.

Ce progrès n'est-il pas, alors, la cause des changements démographiques et économiques que connaît Cunfin depuis la seconde moitié du XIXème siècle ?

Faisant suite au constat démographique et avant d'étudier le problème de la mutation économique, deux cas précis permettent d'examiner l'avènement du progrès à l'échelon local. D'une part, un moyen qui tend à faire sortir le village de l'isolement : le train ; et, d'autre part, un système qui cherche à améliorer les conditions de vie du monde rural : l'adduction d'eau.

Ces témoignages complèteront utilement l'image que nous nous faisons déjà sur cette communauté.

 

Grâce au plan Freycinet (Ministre des Travaux Publics en 1878), on peut parler d'une pénétration de la France rurale. Cette révolution ferroviaire donne naissance à un échange interrégional possible et ouvre au village les débouchés que peuvent offrir les centres urbains.

L'histoire de Cunfin a été marquée par la réalisation d'une voie de chemin de fer.

L'établissement de lignes d'intérêt local dans le département de l'Aube fut abordé pour la première fois par le Conseil Général en 1882. Des voeux avaient été formulés pour la réalisation de plusieurs voies ferrées (1) dont celle qui relie Bar-sur-Seine à Cunfin.

Dans un premier temps, le Conseil Général estimant que ces relations présentaient un caractère d'intérêt général, demanda leur classement au Ministère des Travaux Publics. L'État éprouvait alors des difficultés pour la poursuite de la réalisation des lignes classées au Plan Freycinet : les 17000 Kms déjà déclarés d'utilité publique étaient loin d'être construits et les 5000 Kms non déclarés mais classés, le seraient certainement dans un avenir très lointain, sauf nécessité militaire reconnue.

Pour réaliser le classement des voies de l'Aube, il fallait donc prendre contact avec le Ministère de la Guerre. Ce que firent les élus locaux dans un second temps. Hélas, le Ministre du moment, ne reconnut aucun caractère stratégique pour ces différents projets, sauf éventuellement, Vendeuvre-sur-Barse et Bar-sur-Seine. Il ne restait alors que la solution offerte par la Loi du 11 juin 1880 sur les chemins de fer d'intérêt local.

Entre-temps, sur l'initiative de la Société Financière "La Banque de l'Aube", un projet fut évoqué pour la réalisation de la ligne de la vallée de l'Ource et ceci à titre départemental. Une étude fut décidée par le Conseil Général en 1884 et deux compagnies de chemins de fer secondaires furent contactées :

* La Société Générale de Chemins de Fer Économiques (S.E.),

* La Compagnie des Chemins de Fer Départementaux (C.F.D.).

Malgré cette initiative, le Conseil Général persista dans sa demande de classement des lignes de Bar-sur-Seine à Vendeuvre et de Doulevant à Bar-sur-Aube. Par contre, il abandonnait les autres relations qui n'avaient plus de chance de réalisation. Voulant, malgré tout, desservir les contrées isolées du département, le Conseil Général décida l'étude d'un réseau à voie d'un mètre d'ouverture dans un but d'économie : cet écartement revenant à la moitié du prix de celui de l'établissement d'une ligne à voie normale.

Mais au vu des premières études, il s'avéra que les dépenses seraient trop lourdes pour le budget départemental. Le Conseil Général pensa alors à faire appel au subventions communales pour financer ces différents projets. Une consultation des communes intéressées fut donc pratiquée sur les deux lignes retenues par l'avant-projet :

* Ligne 1 : - Villenauxe à Auxon (1ère section de 91 Kms),

- Auxon à la limite du département de la Côte d'Or (2ème section de 73 Kms),

* Ligne 2 : - Vallée de l'Aube, Anglure à Brienne le Château (66 Kms dont 58 dans l'Aube).

La construction devait se faire en trois étapes : Tout d'abord, le parcours de Villenauxe à Cunfin auquel on ajouterait un embranchement de Polisot aux Riceys ; puis les relations entre Villemaur et Villenauxe ; enfin, la troisième reprenant le tracé de la vallée de l'Aube.

Hélas, la consultation des communes fut longue et décevante car celles-ci désiraient toutes le chemin de fer mais ne voulaient consentir aucun sacrifice pour l'obtenir.

En 1886, exaspéré par le manque d'empressement des communes, le Conseil Général décida de surseoir à tout projet d'établissement d'un réseau départemental : pas de contribution communale ! pas de chemin de fer !... Seules deux communes avaient répondu favorablement mais fort prudemment : Essoyes et les Riceys, cette dernière sur les conseils d'un industriel local.

En 1894, après de multiples discussions, la ligne, initialement prévue d'Auxon à Cunfin par Chaource, Polisot et Essoyes, avec embranchement de Polisot aux Riceys, fut réduite à la section Cunfin Polisot avec embranchement de Polisot aux Riceys. Cet itinéraire de 35 Kms était loin des ambitions primitives du département. Dans l'esprit des responsables, il devait, cependant, constituer l'embryon du réseau initial. Cette réalisation était déjà vouée à l'échec par le choix peu judicieux de Polisot aux dépens de Bar-sur-Seine, ville beaucoup plus importante et située seulement à quelques kilomètres. Ce choix aura pour conséquence de grever le trafic pendant toute son existence.

Une convention fut étudiée entre le futur concessionnaire et le département. En septembre 1896, Monsieur Louis Maison, constructeur aux Riceys, la signait. Le département lui concédait la construction et l'exploitation d'un chemin de fer d'intérêt local joignant les Riceys à Cunfin par Polisot. Cette convention fut ratifiée par une loi en date du 17 août 1897 déclarant d'intérêt public l'établissement du dit chemin de fer. Aux termes de cette loi, le concessionnaire devait, dans un délai de six mois, constituer une Société Anonyme pour le construction et l'exploitation de cette ligne pour une durée de cinquante ans : LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DÉPARTEMENTAUX DE L'AUBE (C.D.A.). Elle fut constituée le 27 octobre 1897 et la Loi du 8 octobre 1899 approuva la substitution à Monsieur Maison de la Société Anonyme C.D.A. comme concessionnaire de la ligne Polisot - Cunfin.

 

La première section, longue de 10 Kms, connue une progression rapide. La main d'oeuvre, en majorité italienne, venait de Verzy et se monta jusqu'à 136 hommes. Le ballastage et la pose des voies s'effectuaient à la vitesse de 400 mètres par jour en moyenne. En 1901, les travaux de cette première section étaient presque terminés et le 10 février de cette même année, on procéda au piquetage de la deuxième section. Les travaux étant finis sur le tronçon allant des Riceys à Polisot, la population réclama la mise en service des trains sur cette portion. Ce qui fut réalisé, avec l'accord du département, à partir du 14 septembre 1901 à raison de 5 aller-retour (AR) journaliers. Parallèlement, à ce trafic, le construction se poursuivait. Le 8 juin 1902, la ligne était au terminus à Cunfin.

Les travaux étant terminés, l'ouverture à l'exploitation de la deuxième section : Polisot - Cunfin eut lieu le 1er octobre 1902 avec également 5 AR par jour entre Polisot et Essoyes et 4 seulement sur Cunfin.

 

Le 22 octobre 1902, Monsieur Bérard, sous-secrétaire d'état des postes et des télégraphes, s'était rendu à Troyes. A 11H00, il avait été reçu par le préfet, le sous-préfet, les députés et sénateurs. Après les présentations et accompagné des personnages officiels, Monsieur Bérard s'était rendu à Polisot et à Essoyes, afin d'inaugurer la ligne des Riceys à Cunfin.

 

 

 

Dès le début, il se dégagea un très fort trafic de bois et de charbon de bois au départ de Cunfin qui obligea la Compagnie à renforcer cette gare de moyens de manutention plus importants. De plus, afin d'acheminer les dépêches, les C.D.A. firent l'acquisition d'un quadricycle à pédales pour effectuer le service entre Essoyes et Cunfin. Cette circulation complétait le service partiel limité à Essoyes.

Il peut paraître étonnant de constater, lors de l'ouverture de l'exploitation, la mise en circulation de 5 AR journaliers sur l'ensemble de la ligne. En fait, ils étaient nécessaires pour relever les correspondances des trains du réseau de l'Est et la Compagnie pensait éliminer ainsi la concurrence des voitures et s'assurer l'exclusivité des transports pour les localités desservies par la ligne.

Les années suivantes, l'accroissement du trafic nécessita la commande de 14 wagons supplémentaires et d'essieux de rechange pour accélérer la réparation des véhicules. On dut agrandir la voie à Polisot et installer une grue de 3T5 à Essoyes. Mais, en 1906, une importante baisse de trafic, due à la crise du vignoble, entraîna un déficit pour la Compagnie. Pour essayer de comprimer les dépenses, la C.D.A. tenta de remplacer les chefs de stations par des femmes, mais l'essai ne fut pas concluant. C'est à cette époque, d'ailleurs, que la Compagnie commença des pourparlers en vue d'obtenir la concession d'un réseau en Meurthe et Moselle.

1907 fut la première année de "déficit" et cette situation persista jusqu'en 1910, puis le trafic augmenta à nouveau et le coefficient d'exploitation parvint à atteindre son équilibre jusqu'en 1912 pour rechuter une nouvelle fois l'année suivante. Cette régression était due à l'exode démographique et à l'appauvrissement des industries locales, complétés par l'abandon des coupes de bois et la diminution de la viticulture. Par ailleurs, en 1910, compte tenu des inondations, les voyages durent être interrompus pendant plusieurs jours.

Parallèlement à toutes ces difficultés, les C.D.A., depuis 1908, étudiaient les prolongements envisagés par le département ; cependant, celui-ci semblait plus intéressé par la traction électrique. La Compagnie ne pouvait pas se lancer dans cette nouvelle technologie et refusa la concession proposée. La ligne en exploitation ne desservait donc que les besoins locaux et son trafic était axé sur les ressources de trois villages : Les Riceys, Essoyes et Cunfin.

Conscients de ces résultats peu engageants, les élus demandèrent alors la création d'un réseau départemental dont les grandes lignes avaient été élaborées quelques vingt ans auparavant. Initialement, un réseau dit de "ceinture" avait été prévu ne débouchant sur aucun centre important et n'ayant qu'un trafic de section. Cet état entraînait des déficits. Aussi, la solution envisagée serait celle d'un réseau de type "rayonnant" relié au centre le plus important. Pourtant, malgré de nombreux projets, aucune solution ne fut retenue.

Le chemin de fer électrique sera reconnu d'utilité publique en 1912 pour un réseau de 152 Kms et les concessionnaires formeront en 1914 "Le Chemin de Fer Électrique de Champagne" (C.E.C.). La déclaration de guerre mettra un terme aux études et travaux, les moyens étant réquisitionnés pour les besoins de la défense. En ce qui concerne la C.D.A., dès l'ordre de mobilisation générale, les trains de cette Compagnie circulèrent encore quelques jours pour acheminer les mobilisés et assurer le transport des matériels destinés au front. Puis le trafic fut réduit à 2 AR pour ne pas arrêter le mouvement envisagé par la Compagnie. Les 4/5° des agents étaient mobilisés et quelques-uns revinrent en 1915 pour assurer les transports destinés aux Armées, ce qui permit le rétablissement d'un troisième voyage par jour.

La rareté, puis la mauvaise qualité du combustible ainsi que le renchérissement des matières premières, ne permirent plus qu'un entretien indispensable à la bonne marche du service. Il n'y eut plus alors qu'un seul voyage journalier, complété par de nombreux trains militaires organisés pour le transport du bois nécessaire aux boulangeries de campagne et l'organisation des tranchées.

 

Dès la fin de la guerre, les C.D.A. assurèrent le service de la ligne Les Riceys - Cunfin au moyen d'un service minimum de deux trains et ceci, malgré les hausses importantes des combustibles et des ingrédients nécessaires à l'entretien du matériel. Ce n'est que vers 1920 que le troisième voyage sera remis en place. Devant ces efforts, le département décida une aide en augmentant la subvention annuelle. Pourtant, malgré le renforcement du service, le trafic enregistra une baisse pour les voyageurs, alors que les marchandises revenaient au niveau d'avant-guerre. Dans le but de reconquérir la clientèle, la Compagnie décida d'améliorer les correspondances avec les trains de l'Est. Pour ce faire, les dépenses devaient être augmentées ; et la solution envisagée était l'emploi d'automotrices à essence. La Compagnie fit donc un essai. En 1923, l'automotrice en service entraîna une augmentation et son utilisation fut systématisée en remplacement de certains voyages effectués avec une machine à vapeur. Une deuxième machine devait être mise en place mais, malheureusement, l'accident de la première ne permit pas une amélioration du système.

En 1926, le département employa un autobus pour prolonger le service du train, du village d'Athonay au village des Riceys, ce qui eut pour incidence d'amener une clientèle supplémentaire. Pourtant la Compagnie réalisa son premier licenciement en 1932. Afin d'essayer de réduire au strict minimum la compression du personnel, il fut créé une nouvelle ligne d'autobus entre Champignol et Essoyes ; mais la situation devenait de plus en plus préoccupante et on dut avoir recours à l'équipement de certaines machines avec un système fonctionnant au gazogène.

Au début de la seconde guerre mondiale, les agents furent mobilisés de nouveau et en juin 1940, le pont de Polisy fut détruit, entraînant une rupture de trafic entre Polisot et Les Riceys, ainsi que l'isolement des ateliers du reste de la ligne. Le transport par voie ferrée fut suspendu et remplacé par une liaison routière qui reliait Cunfin à Troyes.

La fin du service par voie ferrée commençait à se faire sentir. Le Conseil Général ainsi que les municipalités et les industriels de la région étaient opposés à la fermeture de ce réseau, mais le maintien impliquait le versement d'une forte indemnité pour combler le déficit de la ligne. Cette situation ne pouvait plus durer, le matériel était arrivé à limite d'usure, les frais de remise en état étaient disproportionnés par rapport aux services rendus par la voie ferrée, il fallait donc songer à supprimer ce trafic. Pour rendre moins onéreuse l'exploitation, la Compagnie décida la suppression des transports de voyageurs et son report sur le réseau routier.

 

En juin 1947, le service ne se résumait qu'à un transport de marchandises quand un wagon était complet. Le service "voyageurs", lui, était assuré par des cars reliant Troyes. Quant aux transports des colis et de messagerie, ils étaient effectués par camions. Ce service amena un nouveau conflit au niveau de la S.N.C.F. et de l'Entreprise Générale Routière (T.R.E.C.) qui souhaitaient l'abandon par la C.D.A. de l'exploitation du transport dans le département.

Après quelques années de prorogation de la concession et une mince augmentation du trafic de marchandises, le Conseil Général dut se résoudre à la fermeture en 1949. Le dernier train circula le 31 octobre 1949. Le déclassement de la ligne eut lieu par décret en date du 1er février 1952. Le matériel roulant fut ferraillé et vendu : les terrains remis à la disposition du département. Seuls les bâtiments purent être conservés par l'exploitant pour lui servir de gare routière.

Moyen de liaison avec la société environnante, l'aventure ferroviaire se terminait, laissant place au système de transport par cars.

 

Mais si l'aspect historique, que nous venons de décrire, nous permet d'inclure cet avènement dans le cadre départemental, il convient de détailler cette nouveauté afin d'en dégager toutes les incidences sur le plan local.

Cette ligne (2) était entièrement construite sur plate-forme indépendante et la concession était accordée à titre d'intérêt local. La voie à écartement de 1 mètre était constituée de rails d'un poids de 20 kg/m en barre de 8 mètres et chaque coupon de 8 mètres reposait sur 10 traverses en chêne fixées par des tire-fonds. Le ballast était constitué de pierres cassées provenant des ballastrières de Balnot, Landreville et Loches-sur-Ource. Les ouvrages d'art, fort peu nombreux, se limitaient à un pont métallique de 14 mètres sur la Laignes aux Riceys et deux ponts mixtes à Celles-sur-Ource et Grancey.

 

 

 

 

 

Cunfin possédait une gare dite "station de type C.D.A.", comportant un bâtiment de voyageurs (BV), une halle à marchandises (H) dotée d'un quai haut permettant le déchargement. Les voies, au nombre de deux, comportaient une voie principale de 180 mètres sur laquelle était reliée à ses deux extrémités, une voie d'évitement. Ce dispositif s'appliquait, d'ailleurs, aux stations de Balnot, Landreville, Loches et Verpillières. La gare d'Essoyes comportait, elle, une troisième voie pour le croisement des trains.

La gare de Cunfin comportait, en outre, un château d'eau, une grue hydraulique et une impasse dotée d'un pont tournant desservant la remise à machines (R). Il y avait aussi un pont à bascule. De plus, il existait un petit édicule WC-lampisterie.

 

 

 

 

 

Les passages à niveau sur la ligne n'étaient pas gardés sauf ceux qui se trouvaient à proximité des arrêts et des gares. Ils étaient servis par des personnels de ces établissements, les barrières étaient à système de vantaux tournants.

La ligne possédait son centre d'exploitation aux Riceys, mais administrativement et financièrement, elle faisait partie d'un groupe possédant la majorité des actions de la C.D.A. .

 

Que dire de plus face à cette réalité ? Le réseau de l'Aube aurait pu devenir un ensemble cohérent doté d'une traction moderne. Malheureusement, le département fut victime de sa prudence en la matière en attendant trop longtemps avant de prendre une décision définitive. Ensuite, en insistant, dès les premières heures sur la participation des communes, il vouait à l'échec tous ses projets. En effet, dans une région pauvre, vivant de ses produits et sans commerce ni industrie importante, les ressources communales ne permettaient pas aux villages de participer au financement d'un chemin de fer. Sans l'impulsion d'un seul industriel de la vallée de Laignes, l'Aube n'aurait même pas eu son train départemental.

Et pourtant, il est certain que l'implantation du chemin de fer d'intérêt local amena une courbe d'échanges bienfaisants dans toutes les contrées traversées. Mais le choix des tracés ne fut pas une réussite et la survie de cette seule ligne en service tient du miracle. D'un rendement médiocre, en raison de l'émigration démographique, du déboisement et de l'extinction de la culture de la vigne, la ligne a été en déficit permanent.

Cependant, quelques années après, le problème du transport et des communications se reposait à la municipalité.

 

Aussi, l'un des premiers soucis de la municipalité élue en 1953 a été de faire sortir Cunfin de son "isolement". Les transports régionaux n'étant plus assurés que par une compagnie de cars : la Compagnie des Transports Régionaux de l'Est et du Centre (T.R.E.C.), il fallait bien trouver une solution qui satisfasse tout le monde.

 

Par je ne sais quel concours de circonstances, le Conseil Municipal, par l'intermédiaire de son maire, prit contact avec celui qui, quelques années plus tard, administrera la commune : Monsieur Lucien Paris. Ce dernier, Lieutenant-colonel de Gendarmerie encore en activité était connu du village pour venir passer ses vacances dans une ancienne maison familiale. Il représentait, pour le pouvoir en place, une valeur pouvant faire fonction d'intermédiaire : un notable (3) capable de conseiller et d'intervenir. En effet, son status (4) : Officier supérieur et habitant de la "ville" lui permettait un dialogue plus éclairé face à ces "messieurs de l'administration".

Au cours de quelques correspondances échangées entre les deux parties, la situation de Cunfin fut clairement définie au regard des transports. Le village n'était desservi que par un car, à certains jours de la semaine seulement. De plus, ce car, après avoir fait sa liaison sur Cunfin, repartait pour son lieu de stationnement à 12 Kms : Essoyes. La commune se trouvait donc dans une situation assez isolée ; aucune ligne n'y aboutissait du fait de sa situation à égale distance des deux têtes de ligne Essoyes et Laferté-sur-Aube qui desservaient l'Aube et la Haute-Marne.

Ainsi, tous les soirs, un car arrivait dans chaque localité. Pour obtenir une modification du service, la municipalité était prête à réaliser des travaux. La solution proposée n'était qu'un simple raccordement des deux lignes pour réaliser une ligne plus importante : Troyes - Chaumont, permettant une communication entre les deux départements.

Monsieur Lucien Paris fut l'interprète de la commune auprès du Directeur Général de la T.R.E.C. pour proposer cette solution et faire savoir que Cunfin était prêt à offrir l'installation d'un garage, clos, couvert et éclairé (environ 100.000 F de dépenses en francs de l'époque). Ce projet de jonction, permettait aussi, en variant les voyages, de desservir les villages voisins.

A la suite d'une entrevue, la Compagnie décida qu'à partir du 4 octobre 1953, Cunfin deviendrait le terminus et la tête de ligne des cars Troyes - Cunfin via Bar-sur-Seine et Essoyes et vice-versa. Un voyage tous les jours sauf le mercredi et un régime particulier le dimanche avec départ du village à 12H10 et 18H00 vers Troyes. Certains jours, le service serait alterné pour lui permettre de passer dans les localités voisines.

Ce système durera jusqu'au début des années 1980 et permettra à Cunfin d'être un peu moins exclus du département par cette liaison.

Nombreux ont été les habitants qui ont emprunté ce moyen de locomotion : en semaine, les villageois effectuaient une liaison sur la ville ou le canton ; le week-end, pour le mouvement des étudiants ou des collégiens qui rejoignaient leurs établissements ; en été, c'était le tour des vacanciers arrivant de Paris après un voyage de plus de six heures !!

L'extension du véhicule personnel a tué ce mode de transport. Le trafic a baissé petit à petit. Maintenant, un car passe de temps en temps... vide... ou à peu près. Le temps n'est plus où les enfants attendaient avec impatience, sur le pas de la porte, que le car passe. Il traverse le village, laissant indifférent la nouvelle génération qui ne voit en lui que son archaïsme.     ......*.*.*.*.*

(1) - Projets de voies ferrées :

- Villenauxe - Auxon,

- Bar-sur-Seine - Cunfin,

- Bar-sur-Aube - Vendeuvre-sur-Barse,

- Doulevant à un point de la ligne de Belfort,

- Ervy - Chaource - Bar-sur-Seine,

- Anglure - Brienne le Château (ligne de la vallée de l'Aube).

(2) - Longueur de la ligne : 35,8 kilomètres,

       Déclaration d'utilité publique : 17 août 1897,

       Ouverture de l'exploitation : 14 septembre 1901,

       Suspension de l'exploitation: juin 1940 à décembre 1941,

       Fermeture de l'exploitation : 1er juin 1947 (voyageurs) - 1er novembre 1949 (marchandises),

       Déclassement de la voie : 1er avril 1952.

(3) - Comme le comprend Henri Mendras dans le chapitre V de "Société Paysanne" collection U. 

(4) - dans le sens sociologique du terme, on appelle status le jeu des différents rôles sociaux remplis par un individu ou la recomposition de ses positions qu'il exerce dans la société.

bottom of page